L’Or pur (2)

Attribué à Gioacchin Giuseppe SERANGELI (1768-1852)

Face à l’infidèle, L’Amour est force du Par-don.
Il fredonne, tel le merle, sa fervente oraison.
Il annihile toute haine, et telle une Mère,
Couve ses petits, même s’ils poursuivent des chimères.

Lors que L’Amour cueille même les fruits les plus amers,
Il en fait un suc dont les gorges savourent le jus.
Il dissout les heurts et nimbe le mal de Lumière,
Puis, Il efface les doutes et donne à chacun son Dû.

Je le sais pour l’avoir rencontré plusieurs fois.
Il m’a été donné de voir en Lui Sagesse.
Plus que tout, Il fut mon Allié et guida mes pas.

Sans faillir, Il me comble toujours de Sa Promesse.
L’Amour  ne vous quitte pas et quand Il est L’Amant,
Votre corps s’allège et votre âme s’élève ardemment.

L’Or pur

Peinture de Franck Cadogan Cowper (1877-1958)

L’on ne voudrait aimer, mais aimer nous poursuit
Comme la Réalité de Son possesseur Souffle ;
L’on ne voudrait céder, encor abasourdi,
Plutôt nous défaire de l’emprise qui nous essouffle.

L’on voudrait ne pas résister face à Son Étreinte ;
L’on aimerait lui tourner le dos et s’enfuir.
Mais quoi ? Sa force vive nous marque de son Empreinte.
Avons-nous le choix face à Son ultime Désir ?

Quand je Le rencontrai, Amour devint ma Loi ;
Il fut certes impitoyable, mais Il fut si tendre.
Je Le servis nuit et jour et Il m’enseigna

Des Règles d’or qui fit de Lui encor m’éprendre.
Il se montrait  : Le Soleil devenait obscur,
Car du Soleil de L’Âme, rayonne L’Or le plus pur.

Confidence du Barde

Toute vindication vient d’un excès d’âpreté,
Quand l’âme devenue le jouet de la violence,
S’évertue sans cesse à réduire, tout maquiller
De mots qu’elle veut incisifs ; mais est-ce somnolence

Que de vouloir tout briser ? Quand s’éveille la conscience
Quelque part, rien ni personne ne peut la retenir.
Lors, elle entre dans un profond et vibrant silence,
Puis l’effet devient unité et pur désir.

Quoi de plus indigne que la sombre somnolence !
Il est des crimes qui viennent de cette propension,
A ramener le Tout en cette forte violence.

Mais que dire ? S’accrocher à cette mécanicité,
Las ! révèle Ô combien l’homme dans sa déraison,
Détruit, et son âme et celle de l’humanité.

Rêves sauvages

De Stan Miller

Quand une femme donne son cœur sans même l’espoir
Des secrets vifs d’un retour dans l’antique demeure,
Prompte à livrer la douceur de chaque trouble regard,
Devenue tel un Cygne, la plainte de celle qui meurt ;

Quand elle donne sans compter ce qui noue son Destin,
Ravie à l’improbable, le fil tendu d’un labyrinthe,
Lors que le vaisseau gracie l’océan sans fin,
Que devient son âme et que deviennent ses plaintes ?

Vous m’êtes sans nul doute une aube pour qui l’on veille
Durant la nuit sans que rien ne trahit mon tourment,
Que donnerai-je pour n’être qu’un langoureux sommeil ?

Mais vous au milieu, allant toujours droit devant,
Impassible, vos yeux perdus dans les rêves sauvages,
M’apprenez que la vie est un apprentissage.

Chant de L’Aube

Peinture de Louis Janmot (1814-1892)

Nous ne naissons pas, mais nous venons bien au monde,
Puis du ventre chaud de notre joie, nous nous exclamons,
Lors que des effeuillements d’un mot à la ronde,
Les ruisseaux s’évertuent de clamer l’abandon.

Ô Jubilation ! Sur les chemins de nos yeux
Envoûtés par La Naissance d’un nouveau Monde !
N’ai-je pas soudain senti le Lys blanc qu’inonde
La lenteur des nuages, tous, débordés des Cieux ?

Si je m’attarde, si je songe un peu à la vie,
Je réalise que j’aimais voyager vraiment,
Et la vie abonde et fredonne éternellement,

Et que des fleurs extraites de la profonde nuit,
S’emparent de mes sens et que d’elles vient la conscience.
N’est-ce pas le chant de L’Aube qui donne à La Présence ?

Existé-je ?

Existé-je réellement quand vient Le Silence ?
Qu’importe les aléas et même les opinions !
Depuis que l’âme franchit les seuils de Ta Présence,
Est-il dualité ? Est-il séparation ?

Le cœur ravi obéit à Son Injonction.
Rien n’est semblable, toute singularité converge.
Lors, ce monde, est-il la seule manifestation ?
Mais dans le fond, sait-on vraiment ce qui diverge ?

Ce n’est pas moi qui vint au monde, ce n’est pas moi.
Quant à Ta Volonté, Elle est une parole sage :
Plus ce monde va à la dérive, plus je vais en Toi,

En cette force, en la transparence du Voyage.
Rien n’est pire que de croire sans être à l’intérieur ;
Barde ! qui donc peut reconnaître ce qui est meilleur ?

Ô Barde !

Lao Zi (chevauchant le buffle)

Ô Barde ! Tu as saisi la pure flamme du Flambeau,
La nuit encre de Ton Âme, épousant Le Silence.
Des marches infernales, retrouvant les maîtres mots,
Tu as percé le secret, goût de La Présence.

Depuis combien de Temps Ton Âme près des gisants
Dans les tourbillons de l’histoire et Ta Parole
Ont voyagé, puis des flots, sans attachement
Tu as avancé avec pour seule boussole

Ton cœur transi des nuits ; comment les ignorer,
Dans les affres des opacités qu’un monde dédaigne ?
Comme la percée devient le transfuge hébété,

Des fleuves veineux qu’irrigue le vin qui saigne,
Dans les cris de l’épouvante, lors que le soleil,
Brise les parois ! Folie mûre d’un raisin vermeil.

La table des proscrits

Quel travail assidu pendant que d’autres sommeillent !
A la table des repus, celle aussi des proscrits,
Lors que l’âme, sans nulle lassitude, la nuit veille,
Entends l’enfer, les malheureux qui poussent le cri,

Que dénoncent et condamnent les indécentes gloires,
Tandis que courbés et même découragés,
Les implacables sentences, les hypocrisies noires
Au vent des ténèbres croulant de préjugés,

Des hommes périssent d’avoir sans doute été fidèles,
Au cœur de leur vie quotidienne, tels des héros,
Lors que les blanches colombes, d’un puissant tire-d’aile,

Délivrent les âmes recluses ; les chaînes et les barreaux,
Des prisons que l’on voudrait percluses d’orgueilleuses
Visions ; mais ceci n’est certes pas semences trompeuses.

Terres conquises

Peinture de August Wilhelm Nikolaus Hagborg (1852-1921)

La réalité opaque ne nous enferme pas.
Quand donc laisserons-nous s’infiltrer les eaux-vives ?
Tel le goutte à goutte, la lumière ne cède pas.
A notre insu, la voici même vindicative.

Si L’Amour est plus fort, la vie l’est plus encor ;
C’est elle qui nous enseigne, c’est elle qui nous attrape.
J’en sais quelque chose, en l’esprit et l’âme, en ce corps ;
De la vacuité, il naît une étrange grappe.

Tel est le pur Jus au Silence d’un fruit goûteux :
Car du Mystère, le secret est Soi sans conteste,
Beauté dont la savante sève, par elle, nous atteste

Des phases successives d’un Soleil compendieux,
Lors que La Lune, Sa Promise, révèle les prouesses
Paisibles, celles des terres conquises avec allégresse.

Proche de Toi

Peinture de Ernest Charles Walbourn (1872-1927)

Je suis si près de Toi, à Te toucher sans voix,
Tu es mon étranger et je suis bien plus proche,
Plongeant dans de feintes eaux qui ne feignent pas l’émoi,
A la Terre et le Ciel, du surplus sans accroche,

Je suis mêlée à Ton noble Parfum, notre Constance.
Tu es si proche de moi, que je ne me vois plus.
A l’insipide, qu’ai-je entendu, Souverain Silence.
Comme est belle la Joie qui boit à l’horizon nu !

Tu es si proche de moi, que je dors dans Tes Bras
Si douleur épouse la Joie, que valent les tourmentes,
Puisque si proche Te voilà, l’esprit n’est jamais las ?

Je suis si proche de chaque seconde qui me hante,
Sans me défaire du goût ivre de Ton cher Discours ;
Je succombe tour à tour ; quel étrange Ton Amour !