Digression (29)

Peinture de Daniel Gerhartz

Je t’ai peint de couleurs et de miroirs ainsi que de chants cristallins, parce que petit homme, je te voyais de loin. J’avais pris la forme parfois mutine d’une ondine et je parcourais des distances incommensurables tout en flottant sur les eaux de certains marécages et tu ne me voyais pas, ou si peu. Je prenais l’apparence d’un feu de joie dans les reflets des roses lunaires, et je riais de retrouver ici ou là les perles et le corail. Je pouvais te regarder derrière le saule pleureur, et puis aussi m’évanouir dans les écumes du soir, quand ton front perlait de certaines translucides mémoires. Je te voyais recueillir une goutte, puis une autre. De façon à ce que tu puisses me reconnaitre, j’y versais l’évanescence d’un effluve de rose. Il ne s’agissait pas de n’importe quelle rose. Ce rose est celui d’une petite fille qui l’a couché sur un mouchoir à l’aide d’un fin pinceau, afin de broder un pétale délicat. Elle s’en souvient encore, tel le geste qui ose à peine effleurer le tissu blanc. Petit homme, la déesse prit l’apparence de petits rochers ondoyants, non loin d’un océan dont le nom est serti des bleuets de mers antiques. Te confierai-je ce secret ? La déesse devint une étoile dans la main d’une enfant. La beauté vénusienne de cette très ancienne princesse remonte à celle de Néfertiti. Sa grâce avait conquis alors le monde entier. Elle avait prononcé l’exacte exactitude des mots au sourire d’une Aube nouvelle, et dans les mains de l’Amante, il se vint naître plusieurs sortes de coquillages. Je t’ai peint d’Amour quand l’ombrelle se transforma en une soie de couleur rubis. Je sais que tu noues tes mots pour ne pas les perdre et, je sais que tu en fais un collier précieux de vagues qui se déploient. C’est à la chaleur de ton cœur que je t’embrasse, Ô Rapsode sauvage !

Digression (28)

Comment éluder certaines situations, récurrentes au demeurant, et comment ne pas se figer des propos rencontrés dans les boisements de nos effigies ? Comment contourner l’incontournable quand se délecte l’étang de nos impropres saturations ? Il était une fois l’incroyable, l’enchantement le plus délicat, et les mots nous aspergent de leur inconfortable confort. J’ai longtemps entendu dans les sous-bois, les indiscrets bohémiens, ceux des véritables grands chemins, ceux qui s’annihilent quand vient le jour. D’une petite libellule gracieuse, nous vîmes sur-jaillir une infinité de farandoles. De celle-là, vous n’en avez aucun souvenir. Chaque fois que l’un éternue, l’autre applaudit. Ne me demandez pas pourquoi le papillon aux motifs originaux, plutôt que de s’échapper vient se poser sur l’épaule amie. Ne me demandez pas pourquoi, quand tremble le nuage, il me survient une sorte d’euphorie. Quand nous marchons sur le sentier, petit homme, un âne et un mulet nous saluent. Je cours vers les brebis dont la tonte est certainement récente puisque leur peau est blanche et leur corps est d’une douceur étrange. Ne me demandez pas pourquoi ces moutons me semblent si gracieux et si beaux. Voilà qu’un agneau saute et fait des bonds joyeux. Ne me demandez pas pourquoi je ris en le voyant ainsi. Ne me demandez pas pourquoi les bosquets et les haies ont toujours été des pays magiques où des lutins se cachent subrepticement dès qu’ils nous voient. Mais, comment se fait-il que je sais qu’ils sont là ? Font-ils exprès de laisser quelque trace bien en évidence ? Sous les mauves, les insectes s’activent et je les suis empêtrée dans ma robe longue. Les ronces ne nous épargnent guère. Mon châle s’accroche à toutes sortes de branchages tandis que vous, petit homme, courrez après les champignons. Vous semblez vous promener comme une marquise, me lancez-vous, et je ris car l’image m’apparaît décalée et pourtant, d’une certaine façon, si proche de la réalité. Le vent joue dans les branchages et voici que les fusains ou ceux que l’on nomment aussi bonnets de curé nous saluent allégrement. Son compagnon le chêne nous confie qu’ils sont là depuis des dizaines et des dizaines d’années, et que le sentier a vu passer tant de monde qu’ils ont tenu ensemble un mémorable registre. Néanmoins, quand plus personne n’est là, nos deux amis se confient réciproquement leurs histoires et je puis vous assurer que celles-ci sont nombreuses et parfois même des plus cocasses. Petit homme, voyez comme le geai passe alors que vous l’attendiez ? Je n’ai pas voulu vous le dire, mais figurez-vous, que là-bas, près de l’étang, une grenouille jouait de la mandoline et il me semble même l’avoir vue me faire un clin d’œil.

Digression (27)

Assise sur ce banc qui fait notre saison, nous comptons chaque petite goutte de pluie comme une effervescente cérémonie, de calme, de droiture et de joie. Nous échappons au moindre des bruits du monde. Combien de fois me suis-je retrouvée sous le platane du Jardin des Plantes ? Je n’ai pas toujours su donner aux arbres leur nom. Mais ai-je jamais manqué de saisir les palpables rugosités de l’écorce ? J’embrassais les feuilles et les fleurs. La guirlande de pluie sur la fenêtre, au matin, est un doux présage et j’observe la lumière du jour, perles nacrées du soleil caché derrière le voile nuageux. C’est ici que la crucialité nous saisit, sans détours. Voici que s’étourdit un pinson mystérieux enveloppé de branchages. Le moineau se baigne dans une flaque d’eau et nettoie avec minutie ses petites ailes. Tout a vacillé, et nous nous sommes échappée, tout en restant en cette Assise. Quel est donc ce navire imperturbable, ce Lac dorénavant stable ? Il n’est plus aucune émotion, si ce n’est ce Souffle puissant, à peine imperceptible. Beauté enchanteresse d’un monde véritable, d’une Terre promise. Sororité et fraternité des arbres balanciers : le cœur n’a pas changé. Il n’est point besoin de parler, ni d’écrire. L’instant est ici d’importance, relié au Ciel d’Amour. Unité et constance. Nulle trahison, ni corps mutilé, mais bien fervente Reliance, car la peur, aujourd’hui, est une drôlesse qui nous fait rire. J’embrasse Le Sol où je suis née et j’embrasse la vétuste fragilité de nos cœurs ensemencés. Sachez qu’en définitive, il n’est qu’un seul instant ; tout le reste est agitation.

Digression (26)

Peinture de Mark Arian

La guitare gratte quelques airs sur les cordes ivres alors que le balancement du corps ne s’est point séparé, ni d’ici, ni d’ailleurs et qu’il vit jusqu’au bout des doigts son étrangeté. Je n’ai pas su retenir la joie qu’aborde chacun des sens alors que la vie prête avec allégeance les couloirs diffus, quelques fois éclairés par une myriade d’étincelances, mais les pas et les silhouettes éthérées ne savent pas toujours déraciner l’opprobre. Il est vain de deviser avec la vie, elle est la première qui a parlé. Je l’entends souffler et nous révéler les plus infimes secrets et lorsque nous parlons, nous sommes à peine effrontée. Je m’en voudrais de vous voir disparaître dans les nébuleuses galactiques et alors que je me suis assise face à vous, j’ai reconnu chacun de vos gestes. Il me plaît à mon pauvre petit être de me noyer dans vos yeux si sérieux et il me plaît à moi de m’y promener, puis de regarder la vie qui vous a submergé. Oui, il me plaît infiniment de vous rencontrer et de parler, à vos côtés, par le biais d’un regard furtif et de vous compagner. Il me plaît de veiller au milieu des fétuques et que vous me parliez des lapins qui mangent l’herbe grasse et les immenses trèfles qui ont abondamment proliférés. Il me plaît de m’asseoir sur le banc d’un jardin secret, et que vous leviez le bras lors qu’un pli sillonne votre front halé par les nombreuses années. Je ne vous dis pas tout, je vous parle dans le silence et je vous dis ces choses pour ne jamais les oublier. Chaque moment est un prétexte pour vous visiter. C’est ainsi, je n’y peux rien. Alors petit être s’adresse à petit homme et ne peut plus le quitter. Vous m’avez dit : L’Ami est fidèle et je sais qu’il s’agit d’une promesse qui vient depuis fort longtemps, depuis qu’un certain jour a vu naître le rayonnement crépusculaire et que nos mains s’étaient liées par le serment de loyauté. Qu’est-ce donc que l’Amour, s’il n’est pas une éclosion d’Amour dans L’Amitié ?

Digression (25)

Aquarelle de Cindy Barillet 

Quand la lumière chante l’implacable danse de la pluie, sur les toits et tout au fond des bois ; quand le grenier tremble de notre émerveillement serein, vif, exalté ; quand je prends la main de petite sœur et que la joie nous arrache presque des larmes effervescentes d’amour et que tout nous semble d’une limpidité emphatique. Je n’ose prononcer le seul mot qui pourrait briser l’émotion vive d’un bonheur diffus. Le rire est la cascade d’une gloire méconnue et peu importe si nous ne savons rien, peu importe si nous finirons ridés sur les plis incroyables du temps, l’enfant ouvre les yeux d’amour et le père entre avec une multitude de lumière, quelques brins de muguet et sa propre légèreté. Nous dessinons dans la chambre, ma sœur et moi, des fleurs : le lilas qui se penche, les gueules de loup au velours secret. Tous les noms que les fées ont saupoudrés d’irréalité. Je m’évade dans les gouttelettes et je rejoins le cœur pur qui m’attend, là-bas au bout du chemin. Nous conversons longtemps et nous nous endormons avec la petite chanson du mois de mai, les lanternes de notre sororité. Dans le rêve, je replace une fourmi égarée sur son chemin, et j’admire, ça et là, les papillons de nuit. Ils sont étonnamment secrets et je ne sache pas plus grande hébétude devant les choses que nos yeux ont caressées. Entends ! C’est encore la réalité éternelle du cœur ouvert. J’aimerais tout vous conter, tout vous ensemencer de mots fluviaux qui parfument les pétales pudiques de nos découvertes. Perdue en haut de la colline, mes yeux rient. Jamais je ne t’oublierai, Ô Joie exaltée ! Ô Épanchement ! Ô Vibrations ! J’ai fait courir, sur la soie, les couleurs du pinceau d’Amour et des pinsons de gaieté. La fauvette nous rattrape et nous confie le doux secret. Ne l’avez-vous donc pas découvert, ce Mystère ? Des petits cailloux égarés pour vous… Je ne reviendrai pas ; je ne reviendrai pas. Telle est ma joie !

Peinture de Vladimir Gusev

Digression (24)

jody bergsma art #wolves; owl; deer; raccoon; man;

Nous finissons par jouer, tremblant au souffle du roseau, et d’incantations délicieuses, nous laissons le soleil advenir de splendeur en sa demeure intrigante. Il est une sorte d’éloge qui vient depuis l’autre rive, quand L’Ailleurs est une Danse. Je reviendrai, petit homme, chaque matin, je reviendrai vous attendre sur le chemin, quand se croisent les aubes naissantes de nos lendemains, je reviendrai, sans jamais lâcher votre main, au silence de l’arbre qui vient. Je n’ai pu oublier les paroles du sage que nous croisions ensemble sur le chemin, feutrés des pas du loup, de l’ours et compagné par la Dame blanche. Il nous en souvient comme d’hier, quand au loin, j’entendais les larmes d’une brume qui proclamait tout de même l’enchantement. Les chérubins se bousculaient secrètement devant le fameux repas de nos noces et nous soupirions en ce sourire cristallin. Nous leur avions fait le récit mirifique des fruits géants, fruits que l’on ne devait pas approcher, sous aucun prétexte. Car il s’agissait de monstres légendaires qui s’étaient malicieusement déguisés pour tromper les petits enfants. Mais, chut ! Rien ne nous embarrasse autant que les cous rigides et les nuques raides. Je cite vos paroles, petit homme. Quand j’étais confinée dans le salon familial, éclairée par une simple lueur de bougie, je lisais les contes des vieilles terres. Pourtant, il m’arrivait de me laisser distraire par cette flamme que je rapprochais le plus possible de mon livre pour être ainsi mieux éclairée, et la cire ruisselait de pâleur jaunie. Petit homme, c’est dans cette alcôve que nous fîmes nos vœux. L’Amour culmine mais l’Amitié est le sublime parachèvement de toute rencontre. Voyez comme les feux follets sont les complices de notre sortilège. Vous ai-je raconté le récit de ces anges qui tenaient patiemment les plats du dîner et comme il nous en coûtait de ne pas alléger leur service en finissant le repas plus vitement ? Nous les cherchions dans les étoiles blanches et la neige chantait des paroles parfumées au goût de l’autre monde.

Digression (23)

L’orage craquelle le ciel de lumières éblouissantes, et les toits se confondent sans ménager l’instant. Ce matin, nous étions à marcher sur les feuilles odorantes, puis de nouveau comme facétieux, le lutin vint nous rappeler les bois humides et les gouttes saupoudrées de soleil flamboyant. J’ouvre la fenêtre pour ne pas perdre un seul des grondements, là-bas, ceux des montagnes environnantes, et le ciel de se morceler de pâleur, enfilant les lueurs, tissant en l’abstraction les perles de chaque senteur. La pluie donne au mur d’en face des couleurs qui tracent des morceaux de sueur et le lutin m’amène comme par magie dans le pays des fleurs. Ne sont-elles point fanées, demandai-je, surprise. Nenni, il est une bougie dont l’étincelle a le pouvoir d’aviver chaque chose et les fleurs jamais ne meurent. Du moins, l’on dit qu’elles se renouvellent chaque fois que le vent qui souffle vient de la lointaine Arcadie. Alors, j’acquiesçais car le lutin dit toujours vrai lors qu’on lui pose une question. Ses réponses vous marquent pour toujours. Il sait quand tremble la terre, et quand les nains viennent jouer dans la nuit claire. Il connaît les maisons des petites fées et quand vous avez soif, très soif, il vous présente un bon chocolat parfumé de cannelle. Certains lutins vous préparent, dans les règles de l’art, du thé noir sucré de lait. Un délice. Tiens petit homme, le ciel s’éclaire au soir tombé et les nuages mélangent des couleurs allant du gris au rose incendié. La saison a ses humeurs et nous voilà à reposer près de l’âtre tandis que trois flammes chantonnent, trois flammes qui font le gué. Merci petit homme pour m’avoir compagnée lors que les toits ondulent sous le crépuscule, comme étonnés.

Digression (22)

Illustration de Anton Lomaev

Le Jardin n’est pas muré, mais il se voudrait de vérité établir chaque pierre, et d’angle appeler l’incisive beauté. N’en doute pas : les mots ont forgé chaque instant. Je n’y reviens pas. Il est ce qui se présente à mon âme, car je suis une pierre que l’on fend comme l’on fend du bois et mon arbre solitaire devient la raison qui me pousse jusque dans la forêt. J’y suis. Du lieu et de l’instant, les feuilles miroitent en abondance. Un Ami nous apprend à ne jamais nous défaire des liens, mais nous en délivre, tout doucement, parce que la lumière est une rencontre qui se boit incessamment dans le bouleversement d’une soudaine clairière. L’on se voudrait muet, mais le silence parle, car il est au-delà des mots, il est au-delà de l’entendement, il est au-delà du bruit, il est au-delà de l’absence, il est au-delà de la présence. Il ne s’enferme pas et chaque fois il est la jetée qui tend Le Bras. Comment ? Est-ce possible ? M’as-tu menée jusque là ? C’est pourtant la délivrance et tout s’estompe et tout revient. Le Jardin nomme les choses et devient l’infini qui découvre la beauté d’une vérité. Petit homme, je ne lâche jamais ta main, précieuse comme une Amie qui frémit et me donne au sillon de l’âme qui fait son parchemin. Tu me dis : celui qui a cultivé son moi, récoltera son moi. Et je sursaute à peine. Le Temps est un frisson sur L’Eau qui danse. Elle jubile de joie ; Elle nous fait Sa Révérence. Des milliers de petites mains qui secouent les lumières éparses, des milliers de petites touches, à l’endroit, à l’envers. Tu me dis : fuis la compagnie des hommes. Je me détourne des leurres, mais aucun je n’abandonne. Telle est ma réponse. Alors, Toi de saisir cet instant qui sourit à ton visage et moi de comprendre. Je t’entends dire : la véritable ascèse est la vie-même. Ecoute-la, elle est à ton image. Cueille Le Jour du Trépas et ne te soucie que d’une chose : au milieu des broussailles, il est une ligne droite et lors que tu marches, trace large car d’autres marchent… Et moi de rire.

Digression (21)

Résultat de recherche d'images pour "peinture de poule d'eau"Peinture de A. Thorburn

Telles les plaies de l’âme, telles les certitudes goûtées à la ferveur de Ta Poigne, telles les émotions exaltées en Ta Souvenance, telles les lancinantes visions du coeur, les gratitudes qui font acte de résorption, sur les chemins qui s’étendent aussi loin que la douleur latente puisse se mouvoir en béatitude ; telles les répétitions, quand les lèvres ébauchent le sourire d’une constance, lors que le regard se pose sur la vastité de La Création, et d’observer les passants depuis l’enfance, d’être émerveillée par la multitude, et de voir en eux, le voile de Ton Visage, et de voir en eux, en cette effervescence, Ton Désir, et de voir en eux, au-delà de l’apparence, les réalités de Ta Permanence, et de voir par-delà les yeux, ceux de Ton Observance. Les Yeux de L’Âme sont Tes yeux et Ils se promènent sur les chemins de convergence tandis que celui qui clame est un Amoureux, langoureux de Tes paysages, fou de Ta Présence. Il voit une grande Assemblée. Elle marche en l’opulence de Ton Silence et celui qui voit, clame Ta Gloire et ne se réduit jamais à imiter : Tu es l’inimitable et pourtant, Tu te promènes dans les Jardins de L’Âme. Serions-nous les derniers, nous regarderions avec la crucialité le visage de chacun, mais en Ton Occultation, nous voyons se perdre l’humanité, errer loin de L’Océan de Ta Splendeur, oubliant de s’effacer pour voir Celui qui ne jamais s’absente. Alors, nous avons jeté loin tous les naufrages, et nous avons vaincu l’oppression de tous les pleins, et nous avons vogué sur le Miroir, Royaume des Yeux imprenables, Regard insurmontable, Beauté inégalable. L’Amour m’enseigne et plie les distances. Je suis dans la bouillonnance de nouveau, dans les Flots de Ton Ardente et indicible Certitude et je n’ai ni odeur, ni corps, ni existence n’ayant plus aucune attache. Jamais je ne cherche à fuir L’Invincible Poigne, et où irai-je ?

« J’ai perdu toutes mes illusions, et elles me réchauffent par L’Absence même de leur nature illusoires », tels sont les propos du petit homme, tels sont les mots qui surgissent tantôt, au détours de la grande ville : j’ai vu des manchots, des estropiés et quelques fantômes apeurés, et je les ai aimés. Petit homme, je ne cesse de vous regarder, partie déjà si loin, au plus profond de la profondeur. Je vous rejoins là-bas, vous savez, là où les ruisseaux ne séparent pas les fleuves, ni n’échappent aux rumeurs d’un océan qui pleure. Souvenez-vous des oiseaux posés sur vos mains délicates et cet étourneau qui d’amour se tint si près de nous frémissant de Présence, Ô Eternité, je vous vis !

Digression (20)

Image associéePeinture de Laura Wilder

La vie demeure en permanence l’immense étonnement, celui-là même qui nous relie à Celui qui le place en nous. Les ricochets sur l’eau n’ont pas ces duretés du cœur chargé d’humus et bien d’autres éléments opaques, ainsi que ces humeurs qui aspergent toutes les affirmations pleine d’alluvions ; mais, il demeure Un. Il n’est pas de froideur, ni de rejet, ni aucune espèce de jugement, car l’eau est lisse et semblable à elle-même. Il ne reste que La pure Présence ; Joie et douceur. J’ai vu l’égo pavoiser, faire du bruit, mais l’eau est belle, sans remous, de sa beauté de grande voyageuse. L’Eau du Mystère, et nulle évidence qui ne te réduise, et nulle affirmation qui ne Te contredise. La négation est comme un égarement qui s’épuise sur les plages de l’infini et de tous les concepts. Le Temps rudoie les vêtements de cet ego, craintif, chétif, adversaire de lui-même, inégalement bruyant, tels les pas titubants dans cette cité qui s’estompe peu à peu, comme poussiéreuse des brumes accablantes, hypnotisée par les vagues de l’ancien monde. Le rêve n’est plus une buée aveuglante, mais transparence, et j’abandonne, sans rien retenir, ivre sans mesure, ivre sur les trottoirs qui se disputent des illusions incessantes, quand chaque fois que la pensée dérive, elle, cette pureté du moment, trempe dans L’Encrier des océans de Vénus, oui, cette Vénus du Ciel de L’Âme et l’oiseau passe avec la beauté du mouvement éternel. La Clé était d’argent, dentelée de Lumière, ciselée de patience, ouvrant la porte d’une Maisonnée matricielle. Les Deux rejoignent ma folie, qui est La Vacuité même, puis au-delà de La Délivrance, il est une exultation,  un tremblement de voix, des cymbales, et mélodie de cette Remembrance. Paix à tous les univers qui virent Le Jour éclore en Ton Soleil éternel. Paix à L’Aube, et Paix à cette Assise qui burine toutes les révoltes, les transforme, les résorbe. Paix en L’Alchimie d’un incendie de Lumière, au feu de L’Eau lustrante. La Constance est une eau qui goutte à goutte devient le ruisseau luminescent, vibrant au cœur du Silence. L’ignorance ne saurait éliminer l’évidence, ni l’affaiblir, ni la détourner de Sa Réalité. Je m’assois auprès de tous les visages, et je leur parle, sans que personne ne puisse me voir. Être là. Je suis sans peur, sans retenue, sans doute, sans révolte. C’est ainsi que Tu parles, c’est ainsi que je Te vois. C’est ainsi qu’apparaît le fil d’Ariane, visible, enseignant, transmetteur, réceptionnant, aventurier des splendeurs de l’inconnu, Toi, L’Inconnu, le rendu manifeste en Ton Œuvre. Alors, Tu vins et me montras cette infime goutte semblable au Temps qui s’en rejoint L’Océan, celui de toutes les gouttes, luxuriant, minutieux, L’infiniment Patient, L’Infiniment Bienveillant.