Quelques impressions de l’an finissant

Peinture de Duy huynh

Les yeux gourmands,
Ceux de la vie,
M’ont appris la lenteur.

Il n’est pas éveillé,
Il n’a jamais été endormi,
Il voit par Lui.

La conque était un prétexte,
Le nacre, un écho,
La splendeur, un verbe.

Le monde vit une tragédie,
Une démence et une dérive,
Quelques uns regardent.

Si vous écoutiez la vie,
Vous n’auriez pas peur d’elle,
Mais puisque vous la désertez,
Elle vous déserte.

Personne ne peut vous emprisonner à votre insu.

Ce que vous vivez vient de vous.

Ne voyez-vous pas l’absurde ?

Ne soyez plus égoïstes !

Vivez d’Amour et de rosées, vous n’aurez plus peur de rien.

Tout quitter est le propre de l’Amant.

Faites comme si vous aviez tout perdu !

Perdez tout et vous serez gagnants !

Où sont donc passées les heures ?

A Mère, partie sur l’autre Rive, le 19/11/2020

Où sont passées les heures,
Mais où donc sont-elles passées,
Celles que je n’ai pu retenir,
Où sont donc passés ces jours,
Mais où donc sont-ils passés,
Dans le tourbillon de Ton Œil,
Que je n’ai pas su retenir,
Ni par mes larmes,
Ni par mes fuites,
Où sont passées mes caresses,
Mais où sont donc passées le parfum doux de tes bras,
Où sont donc passés les soubresauts de mon cœur,
Quand tes cheveux d’ébène ondoyaient sur ma joue,
Où sont donc passés ces moments,
Ceux que je n’ai pu retenir ?
J’avais beau marcher là-bas,
Je restais auprès de toi,
Cachée quelque part au sein du souvenir.
Où sont passées les rivières de ton satin,
La blancheur de ton visage,
L’écume nacrée de ta douceur,
Mais où sont donc passées nos joies,
Nos désirés murmures dans le sein chaud,
De ta fleur de pudeur,
La fragile pensée évasée au gré du jour ?
Où te retrouverai-je dans la vastité de notre océan ?
Mais où donc te retrouverai-je,
Moi qui te gardais dans mes détours,
Mon corps éperdu de toi ?
Mère,
Dans le Soleil ardent de notre Silence,
Dans la Lune baignée de nuit,
Dans le couloir du fleuve d’une autre Rive,
Je glisse à plein bras,
Jusqu’au bout avec Toi.

Les oiseaux

De mémoire de Jardin que l’automne fait frémir,
Est-il un seul arbre que ravit la sépulture,
Qui d’embruns et de pluies que marque la nature,
Quand s’efface l’été, je n’ai entendu gémir ?

Grâce volatile d’une Joie qui sans périr,
Des états fatidiques que sème la rupture,
Voit soudain le rouge-gorge, et de sa voix pure,
Entreprend de venir compagner notre soupir,

Tandis que sa gorge de feu nourrit notre entrevue.
Lors, ai-je souri de larmes effusives à sa vue ?
C’est ainsi que l’instant s’exalte du transport

De l’oiseau et le jardin devient la promesse vive
D’un ballet que m’impose sans doute le Sort,
Puisque le rouge-gorge me remet cette douce missive.

***

De mémoire de Jardin, venaient les tourterelles
Faire leur Révérence avant que de se nourrir.
Comme les gestes de la nature font sourire !
Dites-moi, n’est-ce pas là beauté d’une vie éternelle ?

Dites-moi, du piaillement des moineaux querelleurs,
Que penser, lors qu’en fait chacun partage le grain ?
Or, souvent, et je les voyais tôt le matin,
Se suspendre au mangeoire, attendre chacun son heure.

Dites-moi, quelle belle leçon de vie, ces petits êtres !
Convenez que ces drôles d’oiseaux sont des maîtres.
De les observer m’apprit à voir autrement.

Sachez que des mésanges, je vis une étrange danse,
Cela tout le long du jour, lors que savamment,
Elles venaient, après les moineaux, comme une évidence.

Digression (25)

Aquarelle de Cindy Barillet 

Quand la lumière chante l’implacable danse de la pluie, sur les toits et tout au fond des bois ; quand le grenier tremble de notre émerveillement serein, vif, exalté ; quand je prends la main de petite sœur et que la joie nous arrache presque des larmes effervescentes d’amour et que tout nous semble d’une limpidité emphatique. Je n’ose prononcer le seul mot qui pourrait briser l’émotion vive d’un bonheur diffus. Le rire est la cascade d’une gloire méconnue et peu importe si nous ne savons rien, peu importe si nous finirons ridés sur les plis incroyables du temps, l’enfant ouvre les yeux d’amour et le père entre avec une multitude de lumière, quelques brins de muguet et sa propre légèreté. Nous dessinons dans la chambre, ma sœur et moi, des fleurs : le lilas qui se penche, les gueules de loup au velours secret. Tous les noms que les fées ont saupoudrés d’irréalité. Je m’évade dans les gouttelettes et je rejoins le cœur pur qui m’attend, là-bas au bout du chemin. Nous conversons longtemps et nous nous endormons avec la petite chanson du mois de mai, les lanternes de notre sororité. Dans le rêve, je replace une fourmi égarée sur son chemin, et j’admire, ça et là, les papillons de nuit. Ils sont étonnamment secrets et je ne sache pas plus grande hébétude devant les choses que nos yeux ont caressées. Entends ! C’est encore la réalité éternelle du cœur ouvert. J’aimerais tout vous conter, tout vous ensemencer de mots fluviaux qui parfument les pétales pudiques de nos découvertes. Perdue en haut de la colline, mes yeux rient. Jamais je ne t’oublierai, Ô Joie exaltée ! Ô Épanchement ! Ô Vibrations ! J’ai fait courir, sur la soie, les couleurs du pinceau d’Amour et des pinsons de gaieté. La fauvette nous rattrape et nous confie le doux secret. Ne l’avez-vous donc pas découvert, ce Mystère ? Des petits cailloux égarés pour vous… Je ne reviendrai pas ; je ne reviendrai pas. Telle est ma joie !

Peinture de Vladimir Gusev

Quand tout est à basculer

Quand bien même le monde éclate en morceaux défragmentés, cesse de te lamenter. Fais de chaque instant, l’instrument de ta connaissance et oeuvre au Souffle de La Réalité. L’âme est sereine, et ne goûte pas au siècle réducteur. Dans la longue marche, depuis des milliers d’années, au commun, le peuple a appris. Il suit un cortège et j’entends le furtif bruissement de l’alizé. Sur les silences que l’on a reçu en l’arrêt, car toute chose vient d’un point, et toute chose est une perle jaillissante qui vient depuis les entrailles de nos profondes reliances, s’est greffé l’intime Joie. Quand tout est à basculer, les montagnes marchent. Je les ai vues maintes fois avancer en cercles concentriques et au creux d’une Assise, le Corps entier devient l’arborescence. Respirer, respirer, respirer… Son Nom à mes lèvres, son parfum à Son Haleine, ivre des reconnaissances de la singularité. Asseyez-vous et sentez comme Le Silence est Majesté. Il ne brise jamais, quand même il est La Puissance. Plongez en Son Tourbillon d’Amour. Il n’est rien qui ne peut nous distraire de Sa Présence. Respirer, respirer, respirer. Portez à votre cœur la main de votre vie et Lui abandonnez. Tout ce qui arrive est la force d’un commencement. Nous entrons dans La Lumière des Semences et ne doutez pas en cet abandon, il est un doux secret.

L’instant seulement

En écho à Vendredi

Jim Warren 1949 - American Fantasy and Surrealist painterPeinture de Jim Warren (artiste américain, 1949)

L’instant seulement… le Réel.
Ce monde agité. Fébrile. Projeté. Décalé. Désaxé.
Hors de l’instant. Hors du Réel.
La hâte. Atrophie du temps.
Frôlement de l’instant sans le pouvoir pénétrer jamais.
Le tout-tout-de-suite. Le rien toujours.
La quantité. Empilement du vide.
Zéro puissance infini. Zéro toujours.

Oh ! Quand tu n’auras plus rien

Magnifique coucher de soleil, n'est-ce-pas ?

Oh ! quand tu n’auras plus rien,
Quand les écumes auront creusé leurs sillages,
Quand les encres auront séché sur les rivages,
Que les larmes auront formé des volutes de fumée insensée,
Que les coquillages auront perdu aussi leur nacre.
Oh ! quand les voix s’élèveront et que la pluie aura trempé le lit de ta mendicité,
Quand les corps auront vaillamment quitté le naufrage,
Des morceaux du navire éparpillés,
Et que l’astre aura tracé le passage,
Dans les tourmentes du vent déchaîné,
Et que les nuits auront vomi les incohérences.
Oh ! quand tu n’auras plus rien,
Et que chaque vague surgie au matin,
Fracassant les limbes du dernier refuge,
Et que le monde vociférera les pleurs des affamés,
Quand le jour sera semblable à la nuit,
Que les sanglants sanglots auront vidé les cœurs égarés,
Que les stupeurs gagneront la foule délirante,
Quand la sève des arbres brûlera de douleur.
Oh ! quand tu n’auras plus rien si ce n’est la voûte des étoiles,
Et que les poussières te rappelleront les heures de ta nudité,
Quand le bien ne sera plus qu’un abîme dans les plaies de l’âme,
Viens, viens, je nous serrerai tout près,
Et je te chanterai encore les larmes,
Et je te dirai mon Mystère,
Qui des sublimités, accueille encore d’autres mystères,
Et d’être né, il est le Chant puissant et invaincu de L’Êtreté.

Était-ce décembre ?

Hebergeur d'image

Était-ce décembre ou peut-être une semence sous terre ?
Mais qu’était-ce donc ? Notre ivresse qui scrutait L’Esprit ?
Cherchions-nous, comme exaltés, ces airs légendaires ?
Vers ces froides régions, nous étions bien partis.

Au souffle de la nuit, j’ai chanté : volons enfin !
Qu’importe si les étoiles nous prennent nos lanternes,
Je veux surprendre tous les vents du soleil en berne,
Et respirer en volutes la forêt de pin.

Volons, mon Ami, Ô mon frère, vers les hauteurs ;
Oublions nos craintes, rencontrons les cerfs sauvages
Dans le froid des blancs manteaux et vifs gagnages.

Courons ! Tandis que la lune veille encore,
Nous tremblerons des clameurs de nos jouissifs cœurs,
Et nous verrons danser nos regards à l’aurore.