Histoire de fous

Des sentences passées et à venir, qu’écrivit, un jour, un fou :

Le peuple aime faire la fête.

Il applaudit et aime qu’on l’applaudisse. Mais il ne sait plus au juste quand cela a commencé.

Le peuple s’enthousiasme, puis s’enthousiasme encore, mais je me demande bien pourquoi il est toujours à se plaindre.

J’ai marché dans la ville et n’ai vu personne. J’ai de nouveau marché dans la ville, et une porte s’est refermée brusquement.

Il m’est arrivé de courir après une idée, alors qu’elle m’échappait. J’ai compris très vite que je pouvais difficilement la rattraper. Seulement, je lui dis toujours : Ne t’inquiète pas, je ne suis pas à court d’idées.

Je ne comprends pas pourquoi les gens ne sont jamais heureux. – C’est qu’ils font semblant de chercher le bonheur. – Mais, où cherchent-ils donc ce bonheur ? – Je les ai souvent vus entrer massivement dans les magasins. – Tu crois que c’est là qu’il se trouve ? – Non, je ne le pense pas. Ils sont encore plus malheureux quand ils en ressortent. – Et toi, l’as-tu jamais cherché ? – Sûrement pas ! – Mais pourquoi donc ? – Cela doit être véritablement le comble du malheur que de chercher ce qui est l’évidence.

Les gens vont très vite, partout. Puis, quand la mort arrive, ils n’ont plus le temps.

Ce que je demande au Seigneur, personne ne peut me le donner à part Lui.

Tout ce que j’ai demandé au Seigneur, le Seigneur me l’a donné. – Que Lui as-tu demandé ? – Oh ! je ne Lui ai rien demandé, à part Lui-même.

Si c’était à refaire, je recommencerai comme la première fois. – Et qu’as-tu fais ? Je L’ai aimé.

Le monde des hommes m’a ennuyé, mais je ne me suis jamais ennuyé auprès du Seigneur. – Pourtant, le monde est bien Sa création ! – Ah ! ne savais-tu pas que le Seigneur avait créé plusieurs mondes ?

Histoire de fous

Un fou rencontre un autre fou. Ce dernier lui fait une confidence :

-Je viens de parler à Dieu.

-Et que lui as-tu dis ? demande son comparse.

-J’ai lancé à Dieu : Je vais T’aimer à ma manière et je ne T’aimerai pas autrement.

-Et Dieu t’a répondu ?

-Oui, Il s’est mit à rire…

Histoire de fous

 

Par Mehmet Akin

Un fou rencontre un autre fou. Il lui demande sans détours : à quoi te sert d’être nu si ton âme ne l’est pas ? Tes haillons et ta forme sont déjà une vêture de trop. Tant que tu n’es pas à l’abri des regards, tu es encore trop habillé.

Alors le sādhu le regarde avec étonnement mais lui répond simplement : tu as raison mon frère et je suis en route…

Histoire de Fous*

[Recueil. Moeurs et costumes des Orientaux. (Dessins en couleurs)] | Gallica

Le fou marchait de long en large en énumérant toutes sortes de choses que l’on avait peine à comprendre. Son ami qui passait par là lui demanda ce qui semblait autant l’agiter.

– Figure-toi que je viens de comprendre pourquoi les hommes sont moins que des bêtes.

– Ah ! Pourquoi donc ?

– Te souviens-tu de ce fameux récit de Noé ?

– Oui.

– Noé a parlé aux hommes durant neuf cent cinquante années. Il paraît qu’il a parlé avec toutes sortes de langages, mais son peuple n’a rien entendu. Il s’est même moqué de lui.

– Et alors ?

– Tandis qu’il a suffit d’une parole et toutes les bêtes se sont rangées par deux puis sont montés dans l’arche.

– Je n’ai rien compris à ton histoire.

– C’est bien ce que je dis. Il faut moins de temps à une bête pour comprendre.


* Histoire inspirée d’un petit discours entre amis, ou entre fous, qui sait ?

Histoire de fous

Étienne Dinet - Le Vieil écrivain traditionaliste du désert

Le fou avait établi une sorte de citadelle. Quelques-uns de ses amis, qui crurent qu’il se sentait en danger, vinrent lui rendre visite et chacun de lui donner un conseil :

– Ecoute, quand je suis parmi les gens, je me dis qu’ils sont plus malheureux que moi, dit l’un.

– S’ils ont des regards très noirs, je préfère leur sourire, ajouta un autre.

– Je me dis que quoi qu’il advienne, il faut tout voir comme s’ils n’avaient aucun pouvoir sur moi, philosopha un troisième.

Mais le fou les regarda ahuri :

– Non, non, vous n’avez rien compris. C’est tout le contraire. Je me barricade car je ne veux pas qu’ils pensent que je suis dangereux.

Histoire de fous

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Un scarabée se met au travers du chemin, alors qu’un fou passe. Celui-ci l’interpelle et lui en demande la raison. Il répond au fou : aucune. Alors l’homme s’assoit auprès de lui sans plus bouger. Le scarabée se tourne vers son nouveau compagnon et lui demande : que fais-tu là ? Je fais comme toi, lui répond le fou. Mais pourquoi ? insiste le coléoptère. Tout simplement parce tu m’as donné le vrai sens de la raison…

Histoire de fous

“La route de Samarkand” de Roland et Sabrina MICHAUD, Ed. du Chêne, 1983.    Janvier 1981, San’a’, Yémen du Nord. Musulman yéménite.

Ce jour-là, le fou avait placé une pile de livres devant lui et la tête dans l’un d’eux marmonnait des phrases, tout en tournant les pages avec l’air le plus sérieux. Son ami le rejoignit et lui demanda ce qu’il faisait :
– Ne le vois-tu pas ? Je m’instruis.
– Pour quoi faire ?
– Je veux devenir un sage. Un grand homme !
– Mais, tu te trompes l’ami, le sage n’est pas un grand homme.
– Comment ça ?
– Je viens d’en rencontrer un. Il était tout petit, tout petit…si si je t’assure.