Nous étions trois

Nous étions trois, enfants aux nattes sages, aux cheveux ébouriffés, indomptables et sauvages, et avec les elfes, nous convenions que tel ou tel élan méritait de se presser en jus savoureux, le pur et étincelant rayonnement d’une coupe vermeille et insaisissable, tandis que submergées par les herbes juvéniles, nous pourchassions les papillons multicolores, éprises d’effervescences, l’amour léger des frondaisons, le cœur exultant en des myriades de révérences. Avec les feuilles, nous tressions des couronnes, méticuleuses tâches, flamboiement de nos doigts menus et sages. Je me dressais fière et invaincue tout en haut d’un épicéa et voguais dans le vent courageux, bravant les limites des vues limitées. Nous étions trois, fines et tendues de cotonnade, des fleurs sur les fichus éthérés, des brindilles de soleil sur les lèvres rosées de perles et colliers de jasmin. Je secouais les mains au ciel sans ombrage et ne sachant plus s’il me fallait rester dans le silence de la nuit, tapie dans les rivières d’étoiles, où bien rentrer à moitié ivre de nos escapades. Non, je ne savais plus, s’il me fallait déserter la maison pour m’endormir au plus près de la lune ou s’il fallait obtempérer… J’imaginais des brassées de mondes et visitais les océans impétueux. L’enthousiasme avait parfois l’ampleur des supplices.

Jardin du Luxembourg

Je vais vous conter l’histoire d’une fillette qui se rendait souvent, avec sa maman, au grand Jardin du Luxembourg, la main dans la main. Je vais vous raconter comment cette maman l’aimait tendrement, d’une tendresse infinie qu’elle déversait en boucle suave tout en coiffant sa petite fille. Chaque phrase qu’elle prononçait était celle d’une lionne qui aimait farouchement ses petits, qu’elle regardait attentivement, mine de rien, et ce du coin de l’œil. Cet immense parc apparaissait semblablement à un gigantesque labyrinthe pour la petite fille. Mais elle n’avait nullement peur de courir parmi les chaises et elle retrouvait toujours le fameux sentier qu’elle connaissait par cœur. Ce magnifique Jardin devenait le plus grand des pays imaginaires, celui des souvenirs par milliers durant les longues journées parisiennes. Sa mère s’asseyait non loin de là, sur un banc et la regardait faire flotter son petit bateau dans l’immense bassin. Je vais vous conter combien les pigeons lui semblaient drôles avec leur démarche particulière. Elle les regardait s’envoler dans le ciel souvent gris, mais, tout en les suivant du regard, elle volait avec eux et la joie emplissait ses petits poumons. Paris était le plus beau pays du monde pour la fillette. Paris devenait de gigantesques et magnifiques bras fredonnant pour la petite fille. Paris, le beau souvenir d’une mère et de son enfant. Paris, encore et encore…

Un morceau du Ciel

Je n’étais pas d’ici, étreignant le vent de mes bras. Je n’étais pas même cette seconde quand le songe suintait et je te parlais déjà. Je comptais l’herbe sous mes pas. Je devenais fourmi et riais quand le corbeau nous faisait une de ses cocasseries. Je n’étais pas d’ici, faisant fi du mondain cérémonial et refusais la suée des villes sans le moindre émoi. Il suffisait d’un morceau de Ciel et je riais de l’attraper en dansant des mains. Il descendait si proche que je n’étais plus d’ici. Je n’étais plus d’ici. Je le vois bien.