Alchimie

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Je demeurais longtemps en ce puits de larmes,
Goûtant à leur sel exsangue, au four des deux mers,
M’arrachant de leur plainte, de leurs sillons amers,
Puis, j’entrais dans un désert sans aucune arme.

En cet inframonde, je connus les battements,
Les lourds soubresauts de l’ignoble ignorance,
Je vis l’immonde en moi-même et ses souffrances,
Je vis aussi, une lumière, un buisson ardent.

Je suivis Moïse et gravis le Mont Sinaï,
A la blessure de mon âme, saignant le Calice,
Je vis, dans le secret, mon regard ébahi

Les écritures jaillirent du fond des Abysses,
Et mon cœur crut mourir d’un Amour inconnu :
Il fût dévasté, totalement mis à nu.

Culminance en inframonde

Aquarelle de Ninetta Sombart

Faut-il s’extraire du rêve et demeurer muet ?
Au cirque, le peuple naïf applaudit et s’enchante ;
Il joue semblable aux enfants que l’on enfante,
Leur esprit immature, leur égoïsme éhonté.

L’oiseau s’envole et traverse tous les mondes ;
Il en connaît les ruses et les aspérités.
En sa culminance, son regard s’affûte et sonde,
Les vérités de l’existence et leur beauté.

Il trempe son bec au cœur sacré de la Vallée,
Celui-ci se dilate à l’image de son Essence ;
Il refuse de se contenter du pis-aller :

Il n’a de cesse de répondre à tous ses sens,
Ceux qui s’ouvrent en lui, telles les pages d’un livre,
Puis, qui parlent longtemps à son âme ivre.

***

Se lit aussi sur Noblesse et Art de l’écu

L’exil

Sans triangularité, le monde s’effondre,
Et alors, que nous importe ce qui n’est pas ?
Comment vivre sans cette perspective-là ?
Quels abysses ! Quelles insondables pénombres !

J’ai beau aller, je vais l’humeur vagabonde ;
Le sentier est solitaire en cet ici-bas ;
L’abîme est grand, un véritable trépas !
L’exil ! Ô mon âme ! l’exil et la paix profonde !

Cette paix me convainc d’une autre et réelle joie.
Qui a percé les voiles opaques de l’inframonde ?
La vie a fait montre de son affligeant état.

Le soir, une dune se dresse entre elle et moi,
Et mon cœur s’envole au-dessus de ce monde,
Traversant, léger, les mirages qui larmoient.

Rimes de l’inframonde

Marchant comme hébétées, la flamme et l’allégresse ;
La rose est une lance ; bien meurtri est ce cœur,
N’ayant de l’inframonde qu’un instant de douleur ;
Mais pourquoi les hommes vivent cette détresse ?

D’Azur, le monstre s’échappe et poursuit une chimère ;
Par l’enfant immature, la corde est rompue mille fois.
Où donc s’en va mon âme brisée dans le fracas ?
Le bateau ivre tangue et je n’ai plus de lumière.

Ces rimes connaissent une fin pleine d’amertume.
Le monde a dénié d’entrer à la lueur du flambeau :
La jeunesse trépigne, la vieillesse tombe de haut.

Ces rimes impromptues sont lancées telle une écume,
Lors que la nef sombre et le bois hurle de terreur.
L’océan a pris forme en ces heurts et malheurs.

L’Insondable

Puissance d’une pulsation,
Unique vibration d’un cœur,
Aux flammes du tambourin,
Vos mains qui scandent,
Le rythme d’un noble chroniqueur,
Sur la peau tendue, au diapason !
Fjords lointains de ton embarcation,
Il vient au rubis du souffle,
Et à la fonte des glaciers solitaires,
Quand le vent voyage jusqu’aux confins,
L’ours brandit sa blancheur solaire.
Entends-tu les étoiles descendues,
Par la cordée de notre enlacement ?
Le soleil plonge si profond dans la Terre,
Qu’en profusion, le lac légendaire
Fait jaillir la voix venue de Ton Appel.
Peuple des mondes parallèles,
S’ouvrent pour vous un chant séculaire.
Le cœur enseveli voit venir ses frères.
Unanime est le vœu de nos semailles
Tandis que s’étend l’horizon,
Au Dôme de la mémoire de vos pères,
Il ressurgit les battements d’une prière,
N’est-ce pas, Ô Álfheim, virile oraison ?
Des univers qui font de Toi, le Retour,
Mais comme sont nobles vos retrouvailles !
Un jour, nous écouterons les récits,
Qui firent de vous une Nation,
Nous apprendrons de vos lèvres,
Les vérités de naguère,
L’unité d’une chevalerie solidaire.
Chantez depuis les terres lointaines, chantez !
J’entends vos pas, mes frères, j’entends,
Dressée dans la nuit boréale,
Depuis le Nord, l’Etoile a parlé.
Dans le ciel de votre montagne,
J’entends vos pas, mes frères, j’entends.
Armés du bouclier phénoménal,
Partout, vous allez et partout vous voyez.
L’insondable, telle est votre armure,
Telle est aussi votre glorieuse Assemblée.

Le Souffle Vital

Le souvenir pourrait bien être un oubli, tout comme l’oubli pourrait bien être un souvenir. Mais trop de composition tue le naturel, nous dit un homme rencontré sur le chemin. Il faut du temps pour que la décomposition devienne Floraison. L’âme s’emploie à tremper dans les eaux tumultueuses, la douceur de l’être. Amour ! L’âme plonge dans les arcanes profondes et ne donne plus de nom ; il n’est plus aucun Nom au centre qui voit en cercle l’horizon ; Zénith tremblant d’une verticale effacée et le souvenir bascule en l’oubli, et l’oubli devient souvenir. L’émotion est au comble de sa suspension, le toucher fin d’une grâce, le cœur retenu en une apnée. C’est là que je Te trouve. C’est là que frémit l’infroissable, effet imperceptible du Visiteur. C’est là que l’on marche sur la pointe des pieds, Ô sol léger, léger, si léger. Avant le tourbillon des mots, les lettres tel un cyclone. Le corps devient les mots, les mots deviennent le corps. Les images s’amoncellent pour s’aplatir, tandis que ces images nous apprennent le regard de L’Unité.

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Il était une fois

La plupart des contes débutent par il était une fois. Une fois, un point de commencement, une attention soutenue. Tel est ce début qui vous invite à écouter, à bien entendre. Pour un enfant, cela représente l’instant crucial. Il n’en est pas un avant, ni un autre après. Il s’agit de cette fois-là. Pour un enfant, cette fois-là est la vie entière. Pour un enfant, il s’agit d’une naissance perpétuelle. Il était une fois, la fois de tous les moments réunis, la fois qui n’en fait qu’une. Pour un enfant, il s’agit de l’émerveillement total. Surtout ne venez pas rompre cet instant où le souffle est suspendu. Le long préambule qui se résume à il était une fois. Cette fois-ci qui rompt avec toutes les autres fois, puisque cette fois ouvre sur une histoire peu commune. Alors, respirez et entrez en cette fois où la vie vous a cueillis au seuil d’un monde qui allait devenir votre récit. Chaque fois que vous avez à l’esprit cette fois, vous ne pouvez plus vivre comme si cela n’avait aucune importance. Vous ne pouvez vous sentir indifférents à votre propre venue au monde. Il était une fois qui vous attend chaque seconde, dans la lenteur de votre perception et vous voyez en ce monde mille et une choses qui vous répètent : il était encore une fois, la seule et l’unique multitude de fois. Alors, vous êtes dans la Joie. Et vous écoutez l’histoire, et vous entrez en elle de tout votre cœur et de toute votre âme, car, il n’y a pas de demi-mesures à cette fois. Elle est votre présence.

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Voyage au bout du monde (5)

Illustration de Kinuko Y. Craft

Cycles et saisons

Une fourmi apparaît telle une luciole, et tout à l’heure, un insecte dansait avec ses graciles ailes. Je lui parlais, aimantée par la douceur transparente de son être, tout comme je m’attardais à L’Echo que faisait jaillir le pot d’argile. D’une porosité évidente, il m’enseigna une ou deux choses et j’en saisis l’analogie manifeste. Il me fallut, avec ce paroxysme évident, reconnaître le bien-fondé de La Voie. L’on m’avait empoignée et menée au sein d’un tourbillon sans pareil, car sans pour autant affecter mon être, il me donna à voir les éléments épars. J’en distinguais chaque nuance sans voir nettement l’ensemble. Je le devinais sous les parures. Celles-ci se donnaient semblables à des voiles qui jouaient dans le vent. Elles représentaient les oscillations, mais surtout la beauté des vagues. Chaque fois que l’une d’entre elles se soulevait, apparaissait une autre vague, tandis qu’au milieu, en la béance incontestable, un univers entier s’épandait et venait s’imprimer entier sur mon cœur. En chacun de ces univers, l’enseignement y était révélé, d’élocution sûre et claire. L’on m’avait donné Le Temps et je fus éprise de Sa Vérité. Ce Temps était au-delà du Temps ; Il se révéla en sa forme phénoménale, mais Lui-même qui s’adressa au plus profond de mon être m’invita au dépassement. Il semblait me dire : rien ne se perd et chacun de ces enseignements te sera restitué en son heure. Il me fallait donc continuer d’avancer. Sans doute est-ce l’enseignement le plus important que l’on me transmit. Puis, je rencontrai un homme qui me retint le laps de temps nécessaire : pas une seconde de plus, pas une seconde de moins. La répartition géographique du temps est liée aux feuillets cosmiques, et lors que l’un de ces feuillets est entraîné dans la rotation, rien ni personne ne peut retarder le moment où le cycle doit s’achever. S’il s’achève, c’est que l’enseignement duquel il est tributaire s’occulte de nouveau. Il s’agit, en effet, des cycles successifs de toutes les lunes et de tous les soleils. Pour certaines personnes, ces mansions sont des réalités existenciées qui viennent guider leurs pas. Elles sont telles des clés de voûtes. Chacune d’entre elles résonne longtemps et vient activer les yeux du cœur. Celui-ci, alors, entre dans le secret des cycles et des saisons. Ce qu’il voit en lui-même est réverbéré à travers La Cartographie céleste. Son cœur est de fait orienté selon les résonnances concomitantes des fréquences vibratoires de L’Origine et il devient La Coupe qui reçoit. Ainsi, il est en ce que l’on appelle L’Axe vertical, la Cordée. Telle est sa perception. Celle-ci est le parfait alignement. C’est ainsi, en sa fidèle présence, que je percevais Aryani, lui qui apparaissait toujours à la fin de chaque cycle comme l’effet probant du voyage et c’est par cette présence constante que mon corps put, petit à petit, se familiariser aux vibrations du plan céleste et décrypter puis relier les Cycles et les saisons. Quand Aryani était de nouveau pleinement visible, à l’unisson, nous jouions de la harpe durant des heures entières, que dis-je, des années-planètes, en oubliant tout le reste. Mais quand Aryani disparaissait, j’errais, perdue dans les larmes de l’océan. Il me fallait chaque fois Le retrouver et je sus bien plus tard, qu’en vérité, il ne me quittait jamais. Jamais, car la présence de l’absence est réellement Présence.

© Voyage au bout du MondeCycles et saisons. Océan sans rivage.

Voyage au bout du monde (4)

La Tour (suite)

(…) Alors que l’homme s’approchait de moi, il me prit le bras, m’entraîna de nouveau sur le petit palier et là, je compris que la Tour continuait de s’élever, investie de grâce effusive, alors qu’un escalier apparaissait simultanément. Aryani s’effaça discrètement, mais je m’en aperçus bien plus tard… L’homme et moi-même gravîmes les marches et nous nous retrouvâmes au sommet de la Tour. Ce qui apparût alors produisit en moi l’effet le plus extraordinaire qui soit. Je découvris un jardin dans lequel une infinité de roses s’étendaient aussi loin que s’étendait la vue. j’avançais lentement, tandis que les roses semblaient rutiler et mon âme se mit aussitôt à chanter au son de leur réalité essentielle. Je les caressais avec délicatesse tandis que je marchais sans plus rien voir autre que ces roses par milliers. L’homme, lui-même, avait disparu et mon cœur battait au rythme intense de la Roseraie. Où me trouvais-je ? Quel était ce lieu magique où ciel et terre se confondaient et s’invitaient à tour de rôle au rendez-vous le plus inouï ? Pourquoi m’avait-on conduit en cet endroit ? J’eus le temps à peine de me poser véritablement ces questions tant je me sentais moi-même comme ne faisant plus qu’une avec ce lieu. Le souvenir de la Tour s’estompa alors que je pouvais encore toucher son impalpable corps, ses pierres blanches, le sol éthéré de son univers étonnement organique qui s’était étrangement matérialisé en moi et me conviait en ce lieu que je savais parfaitement être le bout du monde. Ici, il n’y avait plus ni temps ni solidification, mais bien puissante Réalité dont les effluves provenaient de cette immense Roseraie. Me parla-t-elle ? Me confia t-elle l’indicible ? Il est un langage qui semble archaïque et de le traduire est désormais impossible. Nous tentons de nous rapprocher le plus possible de cette vraissemblance, mais nous ne pouvons l’exprimer sans le trahir. Mon âme demeura en ce Jardin, tandis que mon corps réintégra notre monde. Pouvez-vous le comprendre ? Je retrouvai Aryani et sa grande délicatesse, sa sage présence. Il continua longtemps ainsi de me visiter. Nous vécûmes des veillées entières où le temps n’est plus le temps, et l’espace n’est plus l’espace car l’amour est vivace de la complice amitié.

© Voyage au bout du MondeLa Tour. Océan sans rivage.

Le Temple

Dessin de Jean Carzou

Il s’agit d’un Temple qui réunit bien des hommes, ces hommes simples et véridiques, ceux qui ont le cœur transparent et savent courber la tête quand le vent souffle un peu fort. Se courber n’avilit pas le roseau. J’ai découvert ce Temple, tantôt : il se dressait au cœur de la nuit forestière. Mille et un secrets dansaient semblables à une myriade de lucioles. Cela bourdonnait très gracieusement. Le centre de cette merveille rayonnait tel le plus énigmatique des cœurs. Ou bien était-ce le rubis d’un porteur de soie ? Je me suis assise sur l’herbe tendre et me suis lentement endormie, bercée par les effluves sonores du crépitement nocturne. Sentez-vous cette pure rosée suinter dans le cristal d’Amour ? C’est de ce Temple dont il s’agit, celui que j’évoque présentement. L’on me fit le récit d’un voyageur porteur d’une lumière rare. Il était allé très loin, sans doute en des contrées qui nécessitent de franchir certains ponts atemporels. Son corps avait réussi à se transformer en cellules crépusculaires. Il avait appris à chanter les aurores au son de vibrantes flûtes que l’on avait sculpté dans un bois précieux. Ce bois, vous ne le trouverez jamais ici, puisqu’il s’agit d’un bois issu d’un arbre occulté depuis fort longtemps déjà. Un jour, cet arbre comprit qu’il fallait enfin que les hommes retrouvent le chemin du retour. Mais cela ne pouvait être révélé qu’aux plus aventuriers. Sachez bien mes amis, que l’aventure est, dans notre récit, une entreprise hardie et parfois même dangereuse. Pour s’y engager, Il faut littéralement apprendre tous les codes spécifiques inhérents à ce périple. Nul ne peut, en effet, déjouer les périls s’il ne traverse pas tout d’abord le grand Labyrinthe. Ce voyageur, que nous avons évoqué plus tôt, avait rencontré un sage et celui-ci lui avait remis, à son grand étonnement les clés les plus improbables, puisque ces clés lui permettaient d’entrer dans les mondes subtils et d’en sortir à sa guise. Mais il me faut vous le dire : rencontrer un tel sage n’est pas donné à tous. Il faut avoir la ténacité et la pureté des humbles et des innocents. Ce sage qui attendait son élève depuis des millénaires avait fini par ressembler à un arbre et quand un oiseau se posait sur son bras asséché par le vent, l’homme entamait le plus enivrant des chants et tout, autour de lui, verdissait et fleurissait. Il s’agissait d’un pur enchantement. Voici que la rencontre la plus improbable eut lieu, quand notre voyageur avait fini par succomber au malheureux sortilège du désespoir. L’arbre se leva et lui tendit, sans un mot, les clés magiques. C’est par ces clés que notre homme vécut les plus extraordinaires et les plus bouleversants voyages. Sachez cependant, qu’il revint au pays avec cette lumière et qu’elle devint un Temple à La Gloire de L’Amour. Mais n’allez pas vous tromper : il ne s’agit pas de n’importe quel sorte d’amour. Je vous parle de La Lumière d’Amour. Celle qui vous laisse hébété, celle qui vous fait oublier ce qui n’a pas lieu d’être et qui vous donne toutes les extravagantes audaces.

Océan sans rivage©Conte de Terre du Milieu.