A l’Aube, le givre

Le givre, dentelle d’une écriture suave

Saisissantes froideurs qui me firent vous écrire,
J’en conçois, au léger givre, ce papier aussi ;
N’y voyez rien qu’un doux émoi extrait ainsi,
Des soupirs de l’aube, des étreintes d’une lyre.

Si proche d’une lune, elle qui vous fit élire,
En ce secret gardé, levant tel un blond sourcil,
Tous les nœuds gordiens auxquels se lient les soucis,
Mais si je clame : votre cœur contre tout un Empire !

Y verrez-vous la joie du Destin se chanter,
Sans qu’aucun trouble puisse ni trahir, ni même tenter,
Notre envoutante et inaudible ronde ?

Les notes subrepticement ont fait de ce lieu
Notre merveilleuse rencontre, élevée jusqu’aux Cieux.
Et vous me dites : faites fi donc de tout ce monde !

Océan sans rivage

L’Appel est L’Au-delà

L’Amour ne dépend que de L’Amour en ce point
De Retour où se concentre La seule Essence,
Et si je T’aime sans Retour c’est qu’en Ton Parfum,
Le Cœur ne se consume ni n’oublie Ta Présence.

Sur les allées de nos pas, tout est toujours là,
Et dans l’Union, le Parfum est plus qu’une Trace,
Parce qu’en Lui, est-il possible de voir autre que Toi ?
Il est tant vrai que L’Amour est une pure Grâce.

L’Amour dépasse L’Amour, Chemin de l’Au-delà.
Assise proche d’une rive, l’eau passe et je la bois :
Des troubles miroitements, il n’est que vaines veinures,

Et L’Âme s’épanche en une danse que forme une voilure.
C’est là que je n’ose plus émettre le moindre soupir,
Se laisser-agir dans l’Appel de Ton Désir…

Le Barde se tait en ce par-delà et rend grâce d’avoir, d’une prison défait les barreaux, et même brisé le mur, car la paix est dans le Silence vibrant de La Présence. Ce qu’il cherchait est un Au-delà qui s’ouvre, sous l’effet de L’Apnée, en ces feuillets dont les traces sont l’éternelle Louange de L’Eternel Louangé. Gloire à L’Eternel !

Les oiseaux

De mémoire de Jardin que l’automne fait frémir,
Est-il un seul arbre que ravit la sépulture,
Qui d’embruns et de pluies que marque la nature,
Quand s’efface l’été, je n’ai entendu gémir ?

Grâce volatile d’une Joie qui sans périr,
Des états fatidiques que sème la rupture,
Voit soudain le rouge-gorge, et de sa voix pure,
Entreprend de venir compagner notre soupir,

Tandis que sa gorge de feu nourrit notre entrevue.
Lors, ai-je souri de larmes effusives à sa vue ?
C’est ainsi que l’instant s’exalte du transport

De l’oiseau et le jardin devient la promesse vive
D’un ballet que m’impose sans doute le Sort,
Puisque le rouge-gorge me remet cette douce missive.

***

De mémoire de Jardin, venaient les tourterelles
Faire leur Révérence avant que de se nourrir.
Comme les gestes de la nature font sourire !
Dites-moi, n’est-ce pas là beauté d’une vie éternelle ?

Dites-moi, du piaillement des moineaux querelleurs,
Que penser, lors qu’en fait chacun partage le grain ?
Or, souvent, et je les voyais tôt le matin,
Se suspendre au mangeoire, attendre chacun son heure.

Dites-moi, quelle belle leçon de vie, ces petits êtres !
Convenez que ces drôles d’oiseaux sont des maîtres.
De les observer m’apprit à voir autrement.

Sachez que des mésanges, je vis une étrange danse,
Cela tout le long du jour, lors que savamment,
Elles venaient, après les moineaux, comme une évidence.

De rerum natura

L’essence d’une Rose, ou l’évidence des parfums.

Mille et une roses délivrent un suave parfum ;
D’aucune, l’essence subtile vainement ne s’échappe,
Car Le Nom de Rose exhale un noble Jardin :
La Rose meurt mais Sa Réalité est immuable.

Ces parfums évoquent la pure Quintessence.
D’Elle, nous apprenons à remonter le courant,
Car les senteurs de chaque fleur sont une Présence,
La fugacité révèle ce qui est constant.

Or, entrer en L’Esprit, c’est laisser les choses
Parler de ce qu’elles sont pour ouvrir nos propres cœurs.
Entrer dans l’hébétude, c’est écouter la Rose.

Les hommes croient tout savoir mais ce n’est que leurres.
La mort annihilera leur absurde vide.
Ils auront, par la grande stupeur, le cœur livide.

Juvéniles cascades

Aquarelle de Mary Marceli

Délicatesse d’une saisonnière floraison,
Qui nous a mené jusqu’aux juvéniles cascades :
L’été a ses rumeurs de foin et d’oraisons,
Et le cœur rutile d’extravagantes embrassades.

L’Amour ne manque jamais de nous bercer encore,
Vivante Lumière et Joie d’aimer entremêlées,
Juteux Zénith aux lèvres des rubis de notre corps,
L’ivresse de rencontrer Beauté et d’être touché

Par le frôlement des saveurs suaves d’une vigne.
C’est dans le cœur, le doux secret du pur baiser ;
Vives sont les ruisselantes rosées de l’Origine !

Cueillons ensemble l’essence du vrai Souvenir ;
Que nous importe un monde qui ne sait pas aimer !
Même leurs désirs insipides ont tôt fait de mourir !

L’Ami Renard

Un clin d’œil à L’Ami

 

Illustration de Lisbeth Zwerger

L’as-tu rencontré, son doux regard des buissons,
Quand sa fourrure automnale allume cette clairière,
Que chante sa parure de féerie les doux mystères,
Que notre cœur s’arrête à l’affût de son frisson ?

L’as-tu serré tout contre toi et d’indolence,
Lui as-tu conté ces récits effeuillés de ruisseau,
Chercher les nervures éparses d’éloquences,
Ces menus tressautements qui rendent vains nos mots ?

Son cœur noble s’émeut des ardeurs de ton amour,
Quand, en silence, d’humeur plutôt animalière,
Te mène avec ferveur jusqu’à la pointe du jour.

L’as-tu vu, pupilles dilatées de lumière,
Versant ainsi sur l’ombre les paroles bénies,
Et t’invitant non loin de sa tanière chérie ?

La Rose

Carl Zewy (1855-1929)

Au sein d’un ancien Jardin, je vis la Rose.
Me parla-t-elle de tous ses maux ou bien des mots
Éclos de son visage vermeil, et je n’ose
Encore vous décrire ses yeux emplis d’eau,

Du rougeoyant ruisseau qui en ce doux écrin,
Disposa ses pétales de velours grenadine,
Et pour en saisir son indicible parfum,
Ne faut-il pas devenir Rose cristalline ?

Au cœur naissant, quand le Jour frémissant à peine,
Murmure ces rosées à la bouche de ces instants
Complices, entre les pages du temps que l’on pressent :

Rose, que ne m’as-tu confié, à moi, fol amour,
Tandis que chacune de tes empreintes certaines,
Ouvrent, en mon âme, les portes du voyage sans retour ?

Pèlerinage

L’Âme vibrante sur Terre et dans les Cieux s’enchante
Du goût des lierres, pendus au mur, au creux du Temps,
Si vive et si légère parmi les herbes qui hantent
Le chemin, quand subrepticement naît l’instant.

La vie est un pèlerinage qui, semblable au voyage,
Nous invite en un lieu où séjournent les Amis de Dieu,
Et de leur longue veillée est un témoignage
Que respectent tous ceux qui font allégeance aux Cieux.

Heureux ceux qui demeurent fidèles à L’Origine,
Et du Sceau de leurs écritures avivent nos cœurs !
Heureux sont les Anges dont les ailes illuminent

Les descentes du Verbe glorieux et vainqueur !
De vivre mille défaites, un jour, l’Âme s’éveille,
Et du florilège d’une graine naissante s’émerveille.

Mon Aimé

Peinture de Salvatore Postiglione (1861-1906) 

Mon Aimé, viens, jouons, cette île nous a trouvés,
Nous a couverts d’un drapé occulte et nous y garde !
Mon Aimé, aller au centre est la sauvegarde,
Et chaque instant du jeu est une éternité !

Mon Aimé, viens, dansons sans jamais nous soucier !
Notre patrie retrouvée s’amuse de notre mégarde.
Quand l’ondée céleste étend son infini cadre,
Nous voici sertis, de la tête aux pieds, de gaieté.

Mon Aimé, aimons-nous sans plus nous désunir,
Accrochés à nos souffles embrasés de désir.
Viens, volons et découvrons ce nouveau monde.

J’ai vu la colombe vêtir L’Amour de douceur,
Lors que nos âmes unies s’élancent et forment cette ronde.
Mon Aimé, entends-Tu le doux chant de notre cœur ?

L’Océan

Peinture de George Frederic Watts (1817 –1904 )

Connaissez-vous Amour qui vint de L’Océan,
Et connaissez-vous ses vagues insoutenables,
Se fracassant sauvages sur les fragiles flancs,
Faisant chavirer ses lourds flux insatiables ?

Quand une vague passe et que l’autre vous submerge,
Sans laisser de répit, ou si peu, lors que vous soufflez,
Connaissez-vous cette folie qui vous bouleverse,
Ces menus détails qui vous laissent comme dispersé

Aux quatre vents ; et quand Amour vous offre ses Bras,
Dans sa troublante Force baignée de pure Lumière,
Et vous écartèle, puis que le cruel trépas

Vous fait basculer sur des rives singulières,
Vous gisez ainsi haletant, sans plus penser,
Lors que du corps dissous, jaillit l’Éternité.