Conte des sept occidents

Les bestiaux (2)

Les animaux de la forêt approuvèrent le discours élégiaque de la fourmi et, étonnamment, la cigale, qui ne gardait jamais rancune, telle n’était donc pas sa nature, fit quelques pas vers son amie la fourmi et lui tint à peu près ce langage :

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Conte des sept occidents

Les bestiaux (1)

Des entretiens intimes entre certains animaux nous parvinrent et, nous fûmes assez conséquemment impressionnée par leur justesse et même par leur prodigieuse intelligence. Les animaux ne sont pas à l’image des hommes. Ils possèdent leur propre code et même leur propre sagesse. Certainement que leur connaissance vient de leur nature prompte à ne jamais venir quereller les réalités. Les lois sont les lois, et ils en sont totalement convaincus. Celles-ci ne sont pas vraiment rigides comme on pourrait le supposer, car elles sont en vérité, l’agencement d’une intelligence ancestrale, autrement remarquable. Que des hommes fassent parler des animaux est, sans conteste, déjà assez troublant, mais que des animaux fassent parler des hommes l’est encore plus. Il est vrai que j’ai rencontré des hommes qui s’entretenaient des hommes. Il en est même qui faisaient parler les sous-hommes. Il en est d’autres qui savaient faire parler les démons, puis d’autres, par leur cœur, connaissaient le monde des anges et bien d’autres choses encore. Si vous prenez le soin d’écouter le bruissement du vent, il vous parvient certains dialogues édifiants. D’abord, vous entendez, puis, vous apprenez à écouter, ensuite, à respirer et vous finissez par saisir le langage de chaque chose. Je pense aussi que les choses vous saisissent à bras-le-corps. Elles sont éminemment présentes et vous préférez écouter les paroles qui viennent de ce monde vivant. Elles viennent résonner en vous. Ce qui vient vous heurter est vous-mêmes, or, cela peut être votre propre distanciation, mais cela peut bien être, aussi, votre manifestation.

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Histoire de fous

 

Par Mehmet Akin

Un fou rencontre un autre fou. Il lui demande sans détours : à quoi te sert d’être nu si ton âme ne l’est pas ? Tes haillons et ta forme sont déjà une vêture de trop. Tant que tu n’es pas à l’abri des regards, tu es encore trop habillé.

Alors le sādhu le regarde avec étonnement mais lui répond simplement : tu as raison mon frère et je suis en route…

Amor et Sapientia

Embarcation flottante entre Ciel et Terre,
Quelle est la fleur horizon du doux Mystère,
Miroir glacé de quelques plissements ?
Entre savoir et Sagesse, j’écris ta bouche au firmament,
Quand d’un simple renversement,
Le Ciel est l’eau qui pourfend l’Invisible.
Depuis ce simple propos destiné aux âmes sensibles,
J’évoque ce qui n’a ni lieu ni commencement.
Sans doute est-ce la Semence d’un lointain îlot,
Perçue à l’instar des flots qui brûlent de Sapience ?
Jamais la vie ne désespère de la vie et pourtant,
Je vis, à mon insu, comme une Rose sortie des eaux,
Elle flottait à mon regard telle une simple chose,
Qui vient d’une appellation étrange et pourtant,
Suscitée par les pas en prose, je bus à son cœur au repos.
C’est là que je compris, sans m’étonner de la métamorphose,
Que notre âme souriante avait fui toutes les tourmentes.
La voici de nouveau partante, pour un voyage à l’infini,
Quand aux rives du Destin, le corps dépose ces vains propos.
Sagesse, quand Tu nous viens, Tu ruines et indisposes,
Mais comme farouche à tout emprisonnement,
Tu fais jaillir la suprême Conscience.
Là-bas, j’irai cueillir les semences du doux trépas,
Et qu’importe toutes les dérives, car la joie ne vient certes pas de moi.
Elle court sur les eaux-vives, nos cascades d’autrefois.
Mais que vaut la sagesse si l’Amour n’est pas son enclos ?

Ne considérez pas L’Amour comme un privilège réservé aux hommes. Il est sans doute une Source d’où coulent tous nos propos, et comment voulez-vous inventer telle chose, qui au profond de nos entrailles appelle et déchire certains voiles ? Sans Amour, il n’est aucune Sagesse, mais sans Sagesse, est-il un seul Amour ? Osez vous poser la question. Osez boire le Ciel et la Terre, et dites-moi ce qui vous a été révélé ? Laissez parler votre âme ou bien taisez-vous à jamais !

Rêves sauvages

De Stan Miller

Quand une femme donne son cœur sans même l’espoir
Des secrets vifs d’un retour dans l’antique demeure,
Prompte à livrer la douceur de chaque trouble regard,
Devenue tel un Cygne, la plainte de celle qui meurt ;

Quand elle donne sans compter ce qui noue son Destin,
Ravie à l’improbable, le fil tendu d’un labyrinthe,
Lors que le vaisseau gracie l’océan sans fin,
Que devient son âme et que deviennent ses plaintes ?

Vous m’êtes sans nul doute une aube pour qui l’on veille
Durant la nuit sans que rien ne trahit mon tourment,
Que donnerai-je pour n’être qu’un langoureux sommeil ?

Mais vous au milieu, allant toujours droit devant,
Impassible, vos yeux perdus dans les rêves sauvages,
M’apprenez que la vie est un apprentissage.

Conte des sept Orients

Algérie algeria peinture enregistré par adel Hafsi

Il était une fois un petit garçon, le benjamin d’une grande fratrie, qui avait l’âme et l’esprit vif. Il aimait escalader les clôtures, se promener sur les poutres des vieilles maisons, et faire quelques bêtises de son cru dont il ne mesurait pas toujours la portée. L’enfant n’était pas mauvais. Il était juste parfois distrait et compensait cela par diverses activités, toutes pour le moins étonnantes. Sa grande sœur avait toujours un œil sur lui. Pourtant, il arrivait qu’il échappât à sa vigilance. Voici que ce jour-là, notre drôle s’était emparé du tuyau d’arrosage, après avoir ouvert le robinet, et qu’il s’était mis à asperger partout, le sol, la terre et même les murs, sans aucune retenue. Le soleil était ardent au zénith. Tout le monde était à l’abri à l’intérieur, dans la fraîcheur des volets clos. La petite ville semblait déserte. Pas un chat n’avait osé braver les rayons cuisants du soleil ! C’est alors qu’un homme vêtu de blanc, comme ayant surgi de nulle part, interpella le petit et lui demanda de lui offrir un verre d’eau. Aussitôt, ce dernier lâcha le tuyau d’arrosage et se précipita dans la maison afin de chercher le verre. Mais quand il revint, il assista à un étrange spectacle : l’homme immaculé de blanc était à plat ventre et lapait l’eau d’une flaque. Puis, comme si de rien n’était, se redressa et s’en alla sans dire mot. L’enfant, mal à l’aise, comprit intuitivement la leçon. Durant de longues années, dès que midi sonnait, il se mettait au seuil de la porte pour le guetter, mais jamais plus il ne revit l’homme vêtu de blanc.

Océan sans rivage© Conte des sept Orients, le petit garçon et l’homme vêtu de blanc.

Histoire de fous

“La route de Samarkand” de Roland et Sabrina MICHAUD, Ed. du Chêne, 1983.    Janvier 1981, San’a’, Yémen du Nord. Musulman yéménite.

Ce jour-là, le fou avait placé une pile de livres devant lui et la tête dans l’un d’eux marmonnait des phrases, tout en tournant les pages avec l’air le plus sérieux. Son ami le rejoignit et lui demanda ce qu’il faisait :
– Ne le vois-tu pas ? Je m’instruis.
– Pour quoi faire ?
– Je veux devenir un sage. Un grand homme !
– Mais, tu te trompes l’ami, le sage n’est pas un grand homme.
– Comment ça ?
– Je viens d’en rencontrer un. Il était tout petit, tout petit…si si je t’assure.