
De cet Amour, que connaissez-vous donc ? demandait l’Amant. Une goutte de Son Océan est semblable à mille rivages impalpables. Mille autres rivages viennent s’y ajouter mais personne n’en connaît les limites. Il déborde de ses terres, submerge l’horizon, aplanit les montagnes, écourte les distances. Une fois ravi, l’Amant ne tient plus de discours. Le discours le tient tout entier. Il plonge dans les écumes du vent et en rapporte quelque nouvelle. Sa chair est en lambeaux, son corps évanoui. Le cœur est son siège, mais son trône vogue sur tout espace et parcourt toute mer. Il engloutit les vaisseaux et conquiert les abysses. Que dis-je ! Il devient ce Lieu, et puis devient cet ici, puis devient cet ailleurs, les passerelles de tous les mondes. Il erre hébété par l’étonnant prodige. Il est la flamme dont il s’alimente tandis que la flamme le laisse entier au feu intérieur. Libre, il s’élargit de sa propre force. Tout en Lui est le Vin de ses états, mais chacun de ceux-ci lui donnent à lire au point culminant de la Sagesse, et l’Amant de s’étourdir du Vin mystérieux. Son âme ivre s’abandonne aux récifs, tandis que les récifs s’adoucissent de son âme. Chaque roche, chaque arbre le soutiennent dans sa dérive. Son âme devient sa seule Loi. Il demeure hébété, car qui dans la nuit, lui trace ainsi le chemin ? Plus il s’abandonne à l’Amour et plus l’Amour le rend ivre et le mène d’une poigne sans égal. Être suprême ! Mon royaume contre une seule larme de ta dérive ! Aucun empire ne saurait me satisfaire. L’Amour naît en l’Esprit et aucun amour n’égale cette Folie. La chair connaît sa part, mais l’Amour dévore toutes sortes d’emprises. L’Amour écarte les frontières, détruit tout ce qui n’est pas Lui. Cet Amour-là, si vous le connaissez, jamais vous n’en revenez. Il vous détruit mille fois, et mille fois Il vous prend dans Ses Bras. Il est Lumière et Connaissance et Il est la Citadelle imprenable, le Gardien des Lois. Il donne à chacune de vos cellules, à chacun de vos membres, le discours de votre âme. Trahissez une seule seconde cet Amour, vous n’aurez plus de son visage qu’une copie bien banale, une parodie commune, une grimace ou bien un rictus fait d’étrange amertume, car cet Amour est une naissance qui vous veut tout entier. Ainsi est Sa Nature.