Nous étions trois

Nous étions trois, enfants aux nattes sages, aux cheveux ébouriffés, indomptables et sauvages, et avec les elfes, nous convenions que tel ou tel élan méritait de se presser en jus savoureux, le pur et étincelant rayonnement d’une coupe vermeille et insaisissable, tandis que submergées par les herbes juvéniles, nous pourchassions les papillons multicolores, éprises d’effervescences, l’amour léger des frondaisons, le cœur exultant en des myriades de révérences. Avec les feuilles, nous tressions des couronnes, méticuleuses tâches, flamboiement de nos doigts menus et sages. Je me dressais fière et invaincue tout en haut d’un épicéa et voguais dans le vent courageux, bravant les limites des vues limitées. Nous étions trois, fines et tendues de cotonnade, des fleurs sur les fichus éthérés, des brindilles de soleil sur les lèvres rosées de perles et colliers de jasmin. Je secouais les mains au ciel sans ombrage et ne sachant plus s’il me fallait rester dans le silence de la nuit, tapie dans les rivières d’étoiles, où bien rentrer à moitié ivre de nos escapades. Non, je ne savais plus, s’il me fallait déserter la maison pour m’endormir au plus près de la lune ou s’il fallait obtempérer… J’imaginais des brassées de mondes et visitais les océans impétueux. L’enthousiasme avait parfois l’ampleur des supplices.

La Rose

Carl Zewy (1855-1929)

Au sein d’un ancien Jardin, je vis la Rose.
Me parla-t-elle de tous ses maux ou bien des mots
Éclos de son visage vermeil, et je n’ose
Encore vous décrire ses yeux emplis d’eau,

Du rougeoyant ruisseau qui en ce doux écrin,
Disposa ses pétales de velours grenadine,
Et pour en saisir son indicible parfum,
Ne faut-il pas devenir Rose cristalline ?

Au cœur naissant, quand le Jour frémissant à peine,
Murmure ces rosées à la bouche de ces instants
Complices, entre les pages du temps que l’on pressent :

Rose, que ne m’as-tu confié, à moi, fol amour,
Tandis que chacune de tes empreintes certaines,
Ouvrent, en mon âme, les portes du voyage sans retour ?

Ode à la Nature

Peinture de Carlo Dolci (1616 – 1686)

Il est des âmes frêles que l’on voudrait protéger.
Il est des êtres si graciles qui viennent sans relâche,
Des mondes invisibles nous aider dans notre tâche,
Puisque leur nature éthérée connaît tous nos secrets.

Ils sèment, nuit et jour, tels des paysans besogneux
Les graines du firmament et nous mènent au labeur.
C’est à la lueur d’une chandelle, le cœur heureux,
Que l’on cueille enfin les fruits mûrs du Temps vainqueur.

Il est des instants exquis qui veulent renaître,
Dans la magie des lieux, dans le tumulte des flots,
Des parterres de lierres acres et du chant de L’Hêtre,

Des violettes insouciantes, de l’écorce d’un bouleau.
Mes joies devant La Nature, qu’aucune main humaine
N’égale, viennent me réchauffer de douceur certaine.

Le ressac

Tout ce qu’une mer rejette dans les bras d’un ruisseau
Tout ce ressac au-delà des flots
Tout ce que Tu fracasses sur les récifs
Toute L’Alchimie du Verbe.
Dedans ! « فیه مافیه »
Épousant le flanc des eaux,
Et mon Amour palpant les parois,
Tout ce qui reste sur un rivage,
Le sable fin du sel de nos ébats,
Te toucher dans L’Étreinte du Souffle,
La chair de L’Esprit n’en finit pas,
Tandis que Le Corps devenu Lumière,
Éternel Eden,
Dedans ! « فیه مافیه »
L’Océan, remous de mon délire,
Mes mains devenues notre Parfum.
Ne me dis pas, ne me dis rien
J’en viens,
C’est là que mon corps est né,
Dans la vastité de Ton Ombre
Au creux de Ta Lumière
Dans La Terre de Ton Verbe,
L’Encre de Tes mots.
Ni avant, ni après
Le Temps est notre Chant
Le Cœur Ton Sceau.

Dire jusqu’à faire, ne jamais se défaire des mots en substance, qu’ils coulent en nos veines et nos actes, telle une épée fendant les sillons de nos labours, qu’ils soient ce Dedans, ni extérieur, ni intérieur, le temps de la seconde, le temps ADN, le temps de la Présence en La Reliance, en Lui, dévoilant l’autre monde, celui de notre ombre. Poète de mon âme, les flots ont déchaînés les océans de nous-mêmes. Crucialité de L’appel. Poète ne jamais renonce !

Proche de Toi

Peinture de Ernest Charles Walbourn (1872-1927)

Je suis si près de Toi, à Te toucher sans voix,
Tu es mon étranger et je suis bien plus proche,
Plongeant dans de feintes eaux qui ne feignent pas l’émoi,
A la Terre et le Ciel, du surplus sans accroche,

Je suis mêlée à Ton noble Parfum, notre Constance.
Tu es si proche de moi, que je ne me vois plus.
A l’insipide, qu’ai-je entendu, Souverain Silence.
Comme est belle la Joie qui boit à l’horizon nu !

Tu es si proche de moi, que je dors dans Tes Bras
Si douleur épouse la Joie, que valent les tourmentes,
Puisque si proche Te voilà, l’esprit n’est jamais las ?

Je suis si proche de chaque seconde qui me hante,
Sans me défaire du goût ivre de Ton cher Discours ;
Je succombe tour à tour ; quel étrange Ton Amour !

Pour un songe de Toi

Résultat de recherche d'images pour "осенний пейзаж нестеров""Peinture de Mikhail Nesterov (1862-1942)

Pour un songe de Toi, en cet instant inconnu,
Dépassant le ciel ; et même la lune et le soleil,
Jamais ne sont réduits en nos mains toujours nues,
Pour la fulgurance de notre éternel Éveil,

Et l’instant survenu dans les brisures sauvages
Lors que l’océan voguait éperdu de Toi,
Miroir dont le cœur ne craint ni bourrasque ni orage,
Ni éphémère, ni même Éternité de Toi ;

Pour un songe éveillé, le corps va au-delà
Des poussières envolées, semence après semence,
Pour le seul moment surpris comme à l’insu du Roi ;

Quand jour après jour, depuis L’Aube de notre Alliance,
Tu me donnas la vision claire et me délivras
Des ignorances séculières. Je ne le regrette pas.