Histoire de fous

Des sentences passées et à venir, qu’écrivit, un jour, un fou :

Le peuple aime faire la fête.

Il applaudit et aime qu’on l’applaudisse. Mais il ne sait plus au juste quand cela a commencé.

Le peuple s’enthousiasme, puis s’enthousiasme encore, mais je me demande bien pourquoi il est toujours à se plaindre.

J’ai marché dans la ville et n’ai vu personne. J’ai de nouveau marché dans la ville, et une porte s’est refermée brusquement.

Il m’est arrivé de courir après une idée, alors qu’elle m’échappait. J’ai compris très vite que je pouvais difficilement la rattraper. Seulement, je lui dis toujours : Ne t’inquiète pas, je ne suis pas à court d’idées.

Je ne comprends pas pourquoi les gens ne sont jamais heureux. – C’est qu’ils font semblant de chercher le bonheur. – Mais, où cherchent-ils donc ce bonheur ? – Je les ai souvent vus entrer massivement dans les magasins. – Tu crois que c’est là qu’il se trouve ? – Non, je ne le pense pas. Ils sont encore plus malheureux quand ils en ressortent. – Et toi, l’as-tu jamais cherché ? – Sûrement pas ! – Mais pourquoi donc ? – Cela doit être véritablement le comble du malheur que de chercher ce qui est l’évidence.

Les gens vont très vite, partout. Puis, quand la mort arrive, ils n’ont plus le temps.

Ce que je demande au Seigneur, personne ne peut me le donner à part Lui.

Tout ce que j’ai demandé au Seigneur, le Seigneur me l’a donné. – Que Lui as-tu demandé ? – Oh ! je ne Lui ai rien demandé, à part Lui-même.

Si c’était à refaire, je recommencerai comme la première fois. – Et qu’as-tu fais ? Je L’ai aimé.

Le monde des hommes m’a ennuyé, mais je ne me suis jamais ennuyé auprès du Seigneur. – Pourtant, le monde est bien Sa création ! – Ah ! ne savais-tu pas que le Seigneur avait créé plusieurs mondes ?

Le lièvre ou la tortue ?

Un morceau de branche,
Un épouvantail qui danse,
Deux leçons pour un corbeau,
Une cisaille et un marteau,
De la paille et une fourche,
L’étable accueille deux passants.
L’un s’en va, l’autre pense,
Le monde ne tient pas dans ma poche,
Je viens de découvrir un œuf,
Mais l’étable avale une couleuvre,
Je fais un pas, puis je disparais,
Certains n’ont rien vu et se gaussent,
D’autres applaudissent et d’autres pleurent.
La fierté n’est pas de l’orgueil,
J’ai vu des scorpions être justes,
Et des dindons marcher dignement.
Il faut vivre dans une ferme,
Pour connaitre l’heure les poules.
Le Coq chante et le jour nous prend à la gorge.
Je veux bien courir sans m’arrêter,
Mais ne me demande pas de vivre dans le mensonge ;
La vivacité d’un lièvre…
Bien-sûr, c’est la fable de tous :
La tortue a vite de dépasser
La bêtise du monde entier,
Tandis que le poisson suit son cours.
Deux petites écorces,
Le chêne et le laurier,
Se reposent en silence,
Derrière les fantomatiques obséquentes paroles
Je tiens une fervente et sagace sarabande
Une vaine danse sans importance,
Légère et amusée,
Parce que le temps s’y est trouvé.
Le lièvre n’a rien oublié,
Mais la tortue a gagné.

Histoire de fous

 

Par Mehmet Akin

Un fou rencontre un autre fou. Il lui demande sans détours : à quoi te sert d’être nu si ton âme ne l’est pas ? Tes haillons et ta forme sont déjà une vêture de trop. Tant que tu n’es pas à l’abri des regards, tu es encore trop habillé.

Alors le sādhu le regarde avec étonnement mais lui répond simplement : tu as raison mon frère et je suis en route…

Histoire de Fous*

[Recueil. Moeurs et costumes des Orientaux. (Dessins en couleurs)] | Gallica

Le fou marchait de long en large en énumérant toutes sortes de choses que l’on avait peine à comprendre. Son ami qui passait par là lui demanda ce qui semblait autant l’agiter.

– Figure-toi que je viens de comprendre pourquoi les hommes sont moins que des bêtes.

– Ah ! Pourquoi donc ?

– Te souviens-tu de ce fameux récit de Noé ?

– Oui.

– Noé a parlé aux hommes durant neuf cent cinquante années. Il paraît qu’il a parlé avec toutes sortes de langages, mais son peuple n’a rien entendu. Il s’est même moqué de lui.

– Et alors ?

– Tandis qu’il a suffit d’une parole et toutes les bêtes se sont rangées par deux puis sont montés dans l’arche.

– Je n’ai rien compris à ton histoire.

– C’est bien ce que je dis. Il faut moins de temps à une bête pour comprendre.


* Histoire inspirée d’un petit discours entre amis, ou entre fous, qui sait ?

Histoire de fous

Étienne Dinet - Le Vieil écrivain traditionaliste du désert

Le fou avait établi une sorte de citadelle. Quelques-uns de ses amis, qui crurent qu’il se sentait en danger, vinrent lui rendre visite et chacun de lui donner un conseil :

– Ecoute, quand je suis parmi les gens, je me dis qu’ils sont plus malheureux que moi, dit l’un.

– S’ils ont des regards très noirs, je préfère leur sourire, ajouta un autre.

– Je me dis que quoi qu’il advienne, il faut tout voir comme s’ils n’avaient aucun pouvoir sur moi, philosopha un troisième.

Mais le fou les regarda ahuri :

– Non, non, vous n’avez rien compris. C’est tout le contraire. Je me barricade car je ne veux pas qu’ils pensent que je suis dangereux.

Histoire de fous

Résultat de recherche d'images pour "l'homme et le scarabée égypte"

Un scarabée se met au travers du chemin, alors qu’un fou passe. Celui-ci l’interpelle et lui en demande la raison. Il répond au fou : aucune. Alors l’homme s’assoit auprès de lui sans plus bouger. Le scarabée se tourne vers son nouveau compagnon et lui demande : que fais-tu là ? Je fais comme toi, lui répond le fou. Mais pourquoi ? insiste le coléoptère. Tout simplement parce tu m’as donné le vrai sens de la raison…