Ève ou le Rêve

Peinture de Federico Cervelli (Milan 1625 – avant 1700)

Ai-je bu aux larmes d’une ombre
Son corps éthérisé d’amour,
A ces vivaces tremblantes larmes
Que des voix irréelles avaient ensorcelée ?
C’est en couvrant de mousse que ses larmes ont fructifiées,
Et le vent fit une secousse qui devint l’éternelle vérité.
Ai-je compagné le chant d’une chevelure éperdue,
Dans les branches du rêve qui l’avait révélée ?
Ai-je tendu la main à l’âme esseulée ?
Qu’as-tu donc à pleurer les vagues nues,
Quand le ciel rejoint la grâce de tes pas mesurés
Où vas-Tu, Ô Beauté, Merveille éplorée ?
Ai-je entendu la voix de cette Épousée ?
Dans les limbes, comme elle se lamentait !
Ai-je saisi chaque rosée de son cœur emprisonné ?
Ai-je goûté, effusif à la laitance de sa douleur,
Quand prise de sanglots, je L’ai consolée ?
Las ! le séjour de la peine conjugue ses écorchures.
Mais de complainte, les affres changent de nature.
Que se passa-t-il ? La belle s’éveilla du long rêve.
L’exploit du Temps est vénérable Patience,
Tandis que les blessures attisent tout noble désir :
L’enfer n’est plus l’enfer, puisque je vis La Présence,
Celle qui agite tant les ténèbres et les font s’évanouir,
C’est Elle qui devient Le Jardin de notre Noble Ève.

Il n’est d’enfer qu’en L’Absence de L’Absence, mais la Présence en L’Absence n’est plus Absence. Tel est l’embryon crépusculaire ; tel est le cœur langoureux, mais du Rêve nous serons deux, du rêve nous serons deux, puisque de L’Essence au goût de sève, L’Adam est gémellité des contraires qui ne jamais s’opposent mais se ravissent L’Un en L’Autre. J’ai compté, pour ne plus distinguer, mais de Mon Amour de Ton Amour, il n’est qu’Un. Quand l’un regarde au Sud, l’autre pointe vers le Nord. Mais quand l’un s’oriente vers L’Est, l’autre s’oriente vers L’Ouest. D’une Cartographie sûre, Les étoiles sont nos parchemins.

 

Cosmologie proche

Indéfectible, si proche,
Quand des années lumières,
Parlent aux vents spacieux,
Les synonymies d’une planète et des cieux,
J’en ressens le frémissement bienheureux.
Alors, il est une singulière nouvelle
Qui me dit : si petit,
L’invisible est le plus apparent.
Je consens à voir le firmament
Déployer ces étranges ailes,
Son Parfum d’étoiles épanché,
L’année semblable à une poussière,
L’horizon, l’intrépide commencement.
Puisque L’Echo a cette réverbération,
Autant laisser le cosmos nous y inviter,
Autant épouser alors Son Silence,
S’abandonner à Sa douce résonance.
Tu dis ces choses, les ai-je préméditées ?
Ô ourlets des feuillets,
Devenus vagues qui ont tout écumé !
Mais surgit Le Sens,
Et l’on reste émerveillé :
Tant de Proximité,
En ce Plérôme scintillant !
Si j’ai levé la main vers Le Ciel
Mon cœur, Toi, Tu l’as emporté.

Le temps fut à nous conter les similitudes entre l’infime et l’infini. Chaque étoile, chaque planète, chaque galaxie, chaque nébuleuse, et chaque distance, sont en réalité les points d’ancrage et les phrases d’une analogie avec le monde d’ici et l’au-delà. La résonance fut telle que je m’évanouis dans cet infiniment petit, si minuscule et si grand tout à la fois. Nulle appréhension si ce n’est par Lui-même. Je vis les groupes, les parallèles et même les rassemblements. Chaque similitude, chaque différence est l’infime monde né du Souffle et chacun est une réalité mouvante. Nous sommes, en ces simultanéités, les mondes et les sens de chaque réalité manifestée. Comment donnes-Tu autant de Signes qui ne sont pas encore compris ? Grâce et libéralité !

D’Ambre et de Musc

Peinture de Nelly Tsenova

Du corps d’ambre et de musc suave
De velours au verger et de rose palpable
En L’Étreinte embrasée de rivière et de cascade
De Jasmin et de violette en ce pourpre sauvage
Lors que Tes lèvres parfumées au Ciel de notre ombrage
Voguent éthérées sur les rives improbables
Puis que perlent au rubis de Ta flamme
L’Incandescente inoubliable retrouvaille
Et que L’Aube épouse les flux de L’Océan matinal
Les vagues de notre Révérence ne savent se contenir
Du fluvial et du plus noble des désirs
Je Te rejoins d’ondes virginales
A l’ombre des cyprès, à l’ombre du Platane
Et du feuillage hébété, je vois l’iris de Ton cœur.
C’est en Toi que s’avive mon âme
Et ne jamais s’achève notre commun soupir.

Le petit semainier

Image associéePeinture de Mahmoud Farschian

                            Dimanche

Six pas légers et six espaces,
Du Silence des âmes, nuits éplorées,
Puis en ce Temps qui nous compagne
J’ai vu au loin un faucon voler.

                             Lundi

Le vent fait des ricochets au Ciel
M’en étonne, sans mon ombrelle ;
Il passe, tremblant, frôlant l’hirondelle
Qu’ai-je donc ainsi à toujours L’aimer ?