L’homme véritable

.

Des champs dévastés de ce pays de cocagne,
Quand de l’égoïsme, il n’est aucune guérison,
A peine le leurre devient une factice déraison,
La plupart des gens ont peur de quitter leur bagne,

Ces sombres chimères que l’on survole avec peine,
Eclairé par les preux pèlerins aguerris ;
Nous butinons à la ruche d’où un miel jaillit,
Dont la mémoire subtile trace ses volutes pérennes,

D’avoir libéré de l’espace à notre être,
Voici que le long sentier devient transparent,
Et nous répétons des heures, inlassablement.

Au Silence secret, un lieu nous a fait naître ;
Il a libéré notre âme du rêve de l’ego.
Comment dire ? Nous le comprendrons tous très bientôt !

***

Il est bien vain de cueillir en cet ici-bas ;
Plus l’espace est restreint et plus l’âme cumule :
Des objets, des événements, sans scrupule ;
Cela est tout au plus d’insignifiants gravats.

L’homme qui fait le don de son moi avant la mort,
Est celui qui s’extrait du rêve tentacule,
Des néfastes et impondérés conciliabules,
Allant toujours avec ceux qui se remémorent.

Telle est sa mission : semer en cette vie des graines,
Pour qui sait entendre, voir et se souvenir.
Cet homme a dépassé toutes aspirations vaines,

A tous ces nœuds gémissants qui s’entrelacent,
Il voit sans sourciller l’âpreté des désirs
D’un enfer qui clame : J’en veux encor ! Qui trépasse ?

Alchimie

.

Je demeurais longtemps en ce puits de larmes,
Goûtant à leur sel exsangue, au four des deux mers,
M’arrachant de leur plainte, de leurs sillons amers,
Puis, j’entrais dans un désert sans aucune arme.

En cet inframonde, je connus les battements,
Les lourds soubresauts de l’ignoble ignorance,
Je vis l’immonde en moi-même et ses souffrances,
Je vis aussi, une lumière, un buisson ardent.

Je suivis Moïse et gravis le Mont Sinaï,
A la blessure de mon âme, saignant le Calice,
Je vis, dans le secret, mon regard ébahi

Les écritures jaillirent du fond des Abysses,
Et mon cœur crut mourir d’un Amour inconnu :
Il fût dévasté, totalement mis à nu.

Culminance en inframonde

Aquarelle de Ninetta Sombart

Faut-il s’extraire du rêve et demeurer muet ?
Au cirque, le peuple naïf applaudit et s’enchante ;
Il joue semblable aux enfants que l’on enfante,
Leur esprit immature, leur égoïsme éhonté.

L’oiseau s’envole et traverse tous les mondes ;
Il en connaît les ruses et les aspérités.
En sa culminance, son regard s’affûte et sonde,
Les vérités de l’existence et leur beauté.

Il trempe son bec au cœur sacré de la Vallée,
Celui-ci se dilate à l’image de son Essence ;
Il refuse de se contenter du pis-aller :

Il n’a de cesse de répondre à tous ses sens,
Ceux qui s’ouvrent en lui, telles les pages d’un livre,
Puis, qui parlent longtemps à son âme ivre.

***

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L’exil

Sans triangularité, le monde s’effondre,
Et alors, que nous importe ce qui n’est pas ?
Comment vivre sans cette perspective-là ?
Quels abysses ! Quelles insondables pénombres !

J’ai beau aller, je vais l’humeur vagabonde ;
Le sentier est solitaire en cet ici-bas ;
L’abîme est grand, un véritable trépas !
L’exil ! Ô mon âme ! l’exil et la paix profonde !

Cette paix me convainc d’une autre et réelle joie.
Qui a percé les voiles opaques de l’inframonde ?
La vie a fait montre de son affligeant état.

Le soir, une dune se dresse entre elle et moi,
Et mon cœur s’envole au-dessus de ce monde,
Traversant, léger, les mirages qui larmoient.

Deux Voies

.

La plupart du temps, les hommes sont des disputeurs ;
Ils se laissent volontiers dominés en eux-mêmes,
Sans savoir qu’il s’agit, en fait, d’usurpateurs.
Ces parasites corrompent tout leur système,

Les enfermant dans une sombre nébuleuse,
Engendrant le chaos, la subtile confusion.
Ainsi, les hommes deviennent la proie malheureuse,
De leurs excès et même de toutes leurs projections.

L’on me dira : Comment résoudre ce problème ?
Deux Voies sont possibles : une constante introspection,
Reliée, quoi que l’on dise, au Principe suprême ;

Et une Voie, qui dépend d’une noble inclination,
Mais surtout d’une Grâce incontestée, d’une foudre
D’Amour, qui vient tout brûler, et puis tout absoudre.

Les uns et les autres

.

Il se trouva qu’une des énigmes fut résolue :
Celle-ci commença bien avant d’apparaître,
Et c’est d’une Main de Maître, une Main assidue,
Qu’elle prit forme, qu’elle se conçut et révéla l’Être.

Après de tortueuses questions, de mise à nu,
L’on saisit la sagesse de la découverte :
Les hommes sont scindés en deux, comme un absolu ;
Les uns cherchent le monde, les autres à se connaître.

Les uns se fondent dans les désirs et l’éphémère ;
Ils tuent chaque jour, un peu plus leur Réalité,
Et, la vie en ce bas-monde est pour eux linéaire.

Ils bâtissent et détruisent en des cycles répétés,
Ce qui est de nature à causer leurs ténèbres.
Rares sont ceux qui échappent à la marche funèbre.

Les pensées

Qu’avez-vous donc à fuir votre vie ; est-ce illusion ?
Une fuite toujours en avant, tissée de rêves,
Au milieu des bruits, qui s’agite sans trêve ?
Qui vous fait avaler cette immonde poison ?

Vos sourdes agitations sont des points culminants,
Qui forment autour de vous et en vous des attaches,
Le monde pulvérisé par vos mots bravaches,
N’est qu’un aspect de vos désirs hallucinants.

Le chaos règne du fait même de la course en avant,
Chacune de vos pensées étant une lourde méprise,
Pourquoi ne pas comprendre enfin tous vos tourments ?

Ils viennent d’une dérive qui vous pulvérise,
Que vous restera-t-il au moment de la mort,
D’avoir tenu à vos pensées vous trouble encore.

Ai-je bien vécu ?

Ai-je bien vécu mes derniers jours ?
Ai-je enrichi ma terre ?
Ai-je cueilli Tes effluves sur mon cœur ?
Mon corps, ton Voyage,
Ai-je bien nourri la sève,
L'essence de Ton Amour ?
Ai-je bien tourné le visage de mon âme,
Les yeux ivres de Ton Regard ?
Ai-je imprégné mon labeur,
De Rosées fraîches depuis l'Aurore ?
Ai-je lavé le sol de mes errances,
Tenant l'eau de mes regrets,
Puis, ai-je fait vœu de Retour ?
Car, ce corps est une graine,
Dans un autre monde,
Semé de semences,
Et lorsque je partirai,
Ne garde que mon Amour,
Je n'ai rien d'autre.
Et quand je germerai de nouveau,
Seigneur !
Je veux être encore celle qui pleure,
Les yeux devenus tes rivières écorchées,
L'Amour devenu mon seul instant.
Fais de moi entière, celle qui Te louange
Fais de moi celle qui ne cesse de T'aimer.

Sable

Mon frère des forêts,
Des noirs frondaisons,
Du bleu des grands nuages,
De mes prières et de mon oraison,
Du trèfle et des fétuques du près,
Dans le Ciel tendu de noir,
Par le Verbe d'une Majesté,
J'entends ce qui est Au-delà.
Ô frère des verts pâturages,
De la flûte des vents,
Des ombres et des lisières,
Pourfendant l'espace et le temps,
Une sauterelle sur un pont,
L'Echo d'une Voix, 
Des astres pleuvent sur le lait d'un cœur,
Des étoiles chantent l'Âme et La louange,
Les planètes irradient par leur clameur, 
Tandis que le frère fait le récit d'un mage :
Le Silence est un Miroir.
Mon frère du serment,
Ici débute un Voyage,
Dans la Beauté d'un Firmament,
Jamais, nous ne serons ceux qui fomentent l'outrage,
Font de leurs mots des armes,
Ourdissent des complots,
Violentent les corps et les âmes.
Nous avons dressé notre tente,
Dans le désert sans fin,
Et lors que la nuit tombe,
Nous entendons chanter le sable :
Son Silence est notre Maison,
Et il a fait basculer encore notre regard. 



Peuple de l’Aube

Le cri profond d’une nuée,
Vêtu des peaux de bêtes,
Quand le cor triomphe,
Au cœur de la constance,
Cri de Joie sur les glaciers,
Et d’un froid frémissement,
Le corps devient le leitmotiv,
Martelant les rives de Ton Chant,
J’entends bruisser le vent.
L’haleine au matin du givre.
Te voir venir, Ô Héros, te voir,
Sans peur et sans hâte,
Te voir venir, Ô Héros, te voir,
C’est par toi, que le regard s’évanouit
Et que les légendes surgissent,
Chevelure des neiges écorchées,
C’est par toi qu’est rétablie la mémoire,
Jaillissant des lacs éveillés,
C’est par toi que l’on connaît,
Les récits d’une Montagne,
Fondue aux larmes bleues,
Ceignant l’imaginal, rêve des preux.
C’est par toi, des tréfonds d’une mer,
C’est par toi que la voix s’élève.
Te voir venir, Ô Héros, te voir,
Imperturbable au sort,
Ton navire glissant sur les flots d’une aurore,
Brandissant l’oriflamme de la Victoire,
Les yeux acérés par l’unique Retour,
Savamment descendus du Ciel rapproché.
J’entends les fonds marins,
Illuminés par ta lumière,
J’entends le glissement ivre,
Sur le flanc de tes frères,
Hommes, fidèles compagnons.
Le sommeil ne saurait te toucher,
Ce cœur devenu ton glaive,
La main devenue ton verbe,
L’aube devenue ton peuple.