Alchimie

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Je demeurais longtemps en ce puits de larmes,
Goûtant à leur sel exsangue, au four des deux mers,
M’arrachant de leur plainte, de leurs sillons amers,
Puis, j’entrais dans un désert sans aucune arme.

En cet inframonde, je connus les battements,
Les lourds soubresauts de l’ignoble ignorance,
Je vis l’immonde en moi-même et ses souffrances,
Je vis aussi, une lumière, un buisson ardent.

Je suivis Moïse et gravis le Mont Sinaï,
A la blessure de mon âme, saignant le Calice,
Je vis, dans le secret, mon regard ébahi

Les écritures jaillirent du fond des Abysses,
Et mon cœur crut mourir d’un Amour inconnu :
Il fût dévasté, totalement mis à nu.

Sépulture

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Parfois, le long des rives, quand tremble le roseau,
Lors que souffle le vent qu’une douce voix féconde,
Des propos venus d’une Sagesse d’Orient, en ondes,
Guident mes pas jusqu’à ce vétuste vaisseau.

Soudain, comme subjuguée par le matin nouveau,
Mon regard aspergé par les reflets du monde,
Le cœur ému par les transparences profondes,
Je vois passer le jade et de bien vieux rouleaux.

Ils s’ouvrent à ma solitude, telle une sépulture,
Et j’y découvre la beauté d’une pâle figure,
Visage auroral qui me secoue toutefois :

Qu’est-ce donc de plier ou de crier victoire ?
Le Destin exige une souplesse, même en Ses Lois,
Le roseau chante les défaites tout comme les gloires.

Culminance en inframonde

Aquarelle de Ninetta Sombart

Faut-il s’extraire du rêve et demeurer muet ?
Au cirque, le peuple naïf applaudit et s’enchante ;
Il joue semblable aux enfants que l’on enfante,
Leur esprit immature, leur égoïsme éhonté.

L’oiseau s’envole et traverse tous les mondes ;
Il en connaît les ruses et les aspérités.
En sa culminance, son regard s’affûte et sonde,
Les vérités de l’existence et leur beauté.

Il trempe son bec au cœur sacré de la Vallée,
Celui-ci se dilate à l’image de son Essence ;
Il refuse de se contenter du pis-aller :

Il n’a de cesse de répondre à tous ses sens,
Ceux qui s’ouvrent en lui, telles les pages d’un livre,
Puis, qui parlent longtemps à son âme ivre.

***

Se lit aussi sur Noblesse et Art de l’écu

Deux Voies

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La plupart du temps, les hommes sont des disputeurs ;
Ils se laissent volontiers dominés en eux-mêmes,
Sans savoir qu’il s’agit, en fait, d’usurpateurs.
Ces parasites corrompent tout leur système,

Les enfermant dans une sombre nébuleuse,
Engendrant le chaos, la subtile confusion.
Ainsi, les hommes deviennent la proie malheureuse,
De leurs excès et même de toutes leurs projections.

L’on me dira : Comment résoudre ce problème ?
Deux Voies sont possibles : une constante introspection,
Reliée, quoi que l’on dise, au Principe suprême ;

Et une Voie, qui dépend d’une noble inclination,
Mais surtout d’une Grâce incontestée, d’une foudre
D’Amour, qui vient tout brûler, et puis tout absoudre.

Dragon en inframonde

Aquarelle de Silvana Sobral

Les hommes nous semblaient empreints de platitude,
N’ayant du rêve qu’un élan exempt de folie,
L’instinct d’une vie qui se déploie sans amplitude,
Des âmes tâtonnant dans les méandres de la nuit.

Il nous fallait du souffle, puis de la rectitude.
Nous marchions près des rives ; elles étaient infinies.
La déraison, l’arme des cœurs pleins de gratitude,
N’a que faire de nos raideurs ; plutôt elle en rit.

Sauvage, un dragon ailé dans la sombre nuit,
Volait au firmament guettant sa proie nouvelle.
Je gage que son feu éteint cherchait sa Belle.

Il descendit jusqu’à toucher par son haleine,
Une terre misérable, accablée et sans répit.
Avait-il perçu la fleur qui naissait à peine ?

Amour en inframonde

Peinture de James Jacques Joseph Tissot (1836-1902)

Il nous fut donné le choix, c’est vrai, malgré nous,
D’épouser la joie d’une réelle délivrance,
Mais en chemin, il arriva, malgré nous,
Le début d’une vaine ou épique errance.

Nous fûmes projetée vers un monde étrange,
Nous l’avions oublié, nous le reconnaissons.
Mais ce monde fut l’effet de notre mélange ;
Nous acceptâmes d’y plonger sans concession.

Nous découvrîmes les abîmes d’un Amour,
Le chant impossible d’une grande souffrance,
Sans doute, était-ce la folie d’une béance ?

Défis de la vie, les cœurs meurtris en labour,
Les obsolescences, les défriches d’une âme,
Cette histoire se veut fidèle à l’implacable drame.

Terre

Peinture de Jules Aldolphe Aimé Louis Breton (1827-1906)

Je ne sais plus vivre,
Mais la Terre m'a rattrapée,
Comment sais-Tu que je suis là ?
Je ne sais plus vivre,
Mais la terre me prend les bras,
Et j'entre en Elle comme en moi.
Je ne sais plus vivre,
Mais la Terre creuse un sillon,
Et de mes mains, j'y entremêle la chaleur.
Le soleil a fait d'elle une étrange oraison,
S'effacent nos blessures dans le labeur,
Et je suis à genoux et deviens une sorte de pelle.
Je ne sais plus vivre,
Mais la Terre m'aime bien plus,
J'y sème mon grain,
Le secret d'une lettre,
Mes doigts goûtant à sa douceur.
Je ne sais plus vivre,
Mais la Terre me porte,
Je titube parfois,
Le corps si instable,
Mon âme épousant les ailes,
Des rayons du Ciel,
Je m'accroche aux nuages,
Ils sont de doux complices,
Je leur souris l'instant,
Dans le passage d'une brise,
Puis, voici une mésange,
L'envolée des choucas,
Le croassement des corneilles.
Je ne sais plus vivre,
Mais la terre s'enivre de nos bras,
Et je plante chaque suée de mes souvenirs,
Et je pense au moment que je tais dans le silence,
Puis, je m'envole aussi avec les choucas,
Tandis que la fourmi, et d'autres peuples de la Terre,
Me font rire comme une enfant,
Dans les trèfles d'un soupir.
Alors, je remercie la Terre,
Mes ongles devenus sa couleur,
Et je ris de nos paroles échangées,
Mon corps évanoui dans Son Mystère.



Océan

Océan a rejoint Océan,
Plus loin encore,
Océan a retrouvé Océan,
Il s'est étonné et Lui a dit : 
Est-ce bien Toi ?
Chacun se regarde avec Joie.
Amour m'a fait m'unir à Toi.
Océan a rejoint Océan.
Deux brassées de vagues,
De jaillissement en jaillissement,
Océan a ouvert le corps Océan,
Il est entré dedans,
Entremêlés tous les deux,
Fusionnés de leur instant.
Océan a chanté Océan,
Puis, Océan a pleuré Océan,
Enlacé dans l'écume du vent.
Il a ri semblable à un soubresaut,
Prenant les bras de l'Océan,
Compénétré du sable blanc,
Du corail et des algues ondoyantes
Les sillons d'une rivière de joyaux,
Et Océan embrasse de nouveau Océan,
Ivre des toutes possibilités,
Nous étions-nous quittés ?
Ô Eternité ! comme Tu danses,
Deux mains s'offrant et s'enfantant
Océan ! Lie-Toi donc à l'Aimé Océan !

Ai-je bien vécu ?

Ai-je bien vécu mes derniers jours ?
Ai-je enrichi ma terre ?
Ai-je cueilli Tes effluves sur mon cœur ?
Mon corps, ton Voyage,
Ai-je bien nourri la sève,
L'essence de Ton Amour ?
Ai-je bien tourné le visage de mon âme,
Les yeux ivres de Ton Regard ?
Ai-je imprégné mon labeur,
De Rosées fraîches depuis l'Aurore ?
Ai-je lavé le sol de mes errances,
Tenant l'eau de mes regrets,
Puis, ai-je fait vœu de Retour ?
Car, ce corps est une graine,
Dans un autre monde,
Semé de semences,
Et lorsque je partirai,
Ne garde que mon Amour,
Je n'ai rien d'autre.
Et quand je germerai de nouveau,
Seigneur !
Je veux être encore celle qui pleure,
Les yeux devenus tes rivières écorchées,
L'Amour devenu mon seul instant.
Fais de moi entière, celle qui Te louange
Fais de moi celle qui ne cesse de T'aimer.

Sans regret

Illustration de Mona Biswarupa

Je me suis perdue,
Alors que je tremblais de Te perdre,
Mais, me perdre furent les Retrouvailles,
Puisque je me perdais en Toi.

Je perdais ce monde,
Je perdais ce corps,
Dans les poussières d'un entrelac,
Je rentrais chez Toi.

La peur me quitta et je jouais avec elle,
Je la regardais avec le mépris des perdants.
Quand même je haussais les épaules, lasse,
J'avançais en Toi.

J'appris du Silence des milliards de fois ;
Il tournait sans se fatiguer.
Je l'enlaçais comme ma joie ;
Entrer en Lui sans regret.