L’instant seulement

En écho à Vendredi

Jim Warren 1949 - American Fantasy and Surrealist painterPeinture de Jim Warren (artiste américain, 1949)

L’instant seulement… le Réel.
Ce monde agité. Fébrile. Projeté. Décalé. Désaxé.
Hors de l’instant. Hors du Réel.
La hâte. Atrophie du temps.
Frôlement de l’instant sans le pouvoir pénétrer jamais.
Le tout-tout-de-suite. Le rien toujours.
La quantité. Empilement du vide.
Zéro puissance infini. Zéro toujours.

Chemin des mots

Giacomo PacchiarottoPeinture de Giacomo Pacchiarotto (1474-1540)

 

Nos mots sont du passé, mais ils disent l’avenir ;
Nous les posons en ces recueils comme dans une arche
Où reposent les semences des moissons à venir.
Le temps vient, où l’homme s’entend dire : « Lève-toi et marche ;

Laboure ta terre intérieure et creuse le sillon.
N’as-tu pas compris que tu es toi-même la graine
Du prochain monde, la chrysalide du papillon ?
Sinon, à quoi bon ces jours vains que tu égraines ? »

N’écoute pas nos mots comme voulant les comprendre,
Ils ne s’adressent pas à la raison mais à l’âme ;
C’est l’intention en eux qu’il te faut entendre.

Alors les miettes de pain se changent en cailloux blancs
Et tu suivras sans t’égarer le fil d’une trame
Qui tisse l’horizon vrai et non ses faux-semblants.

Marc

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Le passage du berger

José Alsina (Espagne, 1850-1925)

Peinture de José Alsina (Espagne, 1850-1925)

Une fois l’an, en cette période, après les cueillettes,
Un troupeau de moutons mené par son berger,
Un vieil homme déjà, s’appuyant sur sa houlette,
Allait pâturer dans les prés et les vergers.

Pour nous, enfants, cette scène était quasi biblique,
Tant elle évoquait en nous des temps très anciens ;
Elle prenait même valeur d’événement cyclique.
Le pâtre, disait-on, est un peu magicien,

Et même, selon certaines rumeurs, un peu sorcier ;
Mais l’on pensait alors la même chose des sourciers
Et de toutes les pratiques sortant de l’ordinaire.

Après l’école, nous allions vite le rejoindre
Et restions à l’écouter, jusqu’à voir poindre
Dans le ciel l’étoile qui ouvre la danse stellaire.

Marc

 

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Un seul instant

Henri Jules Jean Geoffroy (1854-1924)Peinture de Henri Jules Jean Geoffroy (1854-1924)

Je n’ai pas vu le temps passer, je vous l’assure,
Ce n’est pourtant pas faute de l’avoir regardé,
Comme si j’avais voulu retarder son usure,
Le retenir encore un peu, m’y attarder.

J’ai appris que si les moments sont éphémères,
Un seul et même instant les traverse, éternel.
Si mille événements font à peine un sommaire,
Tout instant de présence brise le mur temporel.

Le garçon songeur qui regardait l’horizon,
Là où le ciel et la terre se touchent et s’unissent,
Étonné de lui-même, se cherchant une raison,

A tôt compris que la comédie qui se jouait
Dans le monde des adultes, et souvent sans malice,
Était ce par quoi toutes les névroses se nouaient.

Marc

Mémoire parallèle

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Douceur du Poisson

Briton_Rivière_-_Una_and_the_LionPeinture de Briton Rivière (1840-1920)

Le Poisson adoucit quiconque le rencontre ;
Aimer est sa qualité, son défaut de même.
Et s’il se glisse entre le pour et le contre,
C’est de voir, dépassant les deux termes, un troisième.

Il est, de nature profonde, un conciliateur
Et se tient, comme il peut, à distance des querelles ;
Mais c’est surtout de l’âme un réconciliateur,
Un poseur de ponts et jeteur de passerelles.

L’eau du signe ne dilue pas mais fluidifie,
Rendant ainsi translucide ce qu’elle clarifie
Car son but est de laisser passer la lumière.

Si du Lion il attendrit le verbe tranchant,
Du Taureau, il discipline les charnels penchants,
De l’Amitié ne faisant commerce ni manières.

Marc

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Oberweser (Hesse, Allemagne)

Dieu de mon Enfance

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L’une des meilleures choses que j’ai apprise en ce monde,
C’est d’être un passant. Il m’a fallu du temps
Avant que ma résistance obstinée ne fonde.
J’ai appris ce que je savais déjà, pourtant.

« Tout ça pour retrouver le Dieu de mon Enfance ! »
Je repense souvent à ces mots, ces derniers temps
Car ce Dieu est aussi Celui de l’innocence,
Celle qui fait marcher pèlerins et pénitents

Sur les chemins de la Divine Miséricorde.
Mais nul ne s’en retourne sans devoir remonter,
Ni ne progresse sans épreuves à surmonter.

À Saint-Sulpice, où nous nous ceignîmes de la corde,
Nous franchîmes la Porte pour un aller sans retour
Car déjà de ce monde s’estompaient les contours.

Marc

 

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Point ne t’y attarde

Carl SpitzwegPeinture de Carl Spitzweg (1808-1885)

Toutes ces menues pensées écrites au jour le jour,
Parfois arrachées à la pesanteur des choses,
Pour faire face aux vents et rester debout, toujours,
Se veulent des touches de lumière dans un monde morose.

Morose des visages ternes et des regards éteints ;
Morose de l’écume que distillent les bouches avides ;
Morose des cœurs asséchés que plus rien n’atteint ;
Morose des pleins-de-soi dans des océans de vides.

Mon âme, point ne t’y attarde, poursuis ton chemin
Car ici ne chanteront plus les lendemains.
Des siècles d’errements trouvent leur apothéose

Du haut de ce trône qu’au Veau d’or les hommes dédient,
Eux qui auraient pu vivre dans un paradis
S’ils s’étaient donnés pour raison la Divine Cause.

Marc

Une histoire de fous ou presque

Codex de Balthasar Behem (1505)Enluminure du Codex de Balthasar Behem (1505)

Un fou s’adresse à un autre fou en ces termes :
– Éclaire-moi : à quel moment sait-on qu’on est fou ?
Car depuis le temps qu’en cet asile l’on m’enferme,
J’ignore toujours pourquoi je suis sous les verrous.

– Un fou n’est pas vraiment conscient de son problème
Et ne conçoit rien d’anormal de son état,
D’autant qu’autour de lui, les autres font de même.
Mais lors que tu m’interroges sur cette affaire-là,

Je trouve que tu n’es pas si fou qu’il y paraît,
Par le simple fait qu’à toi la question se pose.
Le fou, c’est celui qui ne s’interroge jamais,

Quand même voyant le monde absurde autour de lui,
Ne comprenant pas plus les effets que les causes.
Ici, nous sommes à l’abri de ce genre d’ennui.

Marc

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Mille destins

Lynn-Curlee-NIGHT-TRAINPeinture de Lynn Curlee

 

J’aime écouter le train qui roule dans le lointain,
Les nuits d’été, quand la fenêtre est ouverte,
Emportant vers sa destination mille destins
Mais une seule destinée qui par eux s’est offerte.

Car toutes choses s’en reviennent à leur point de départ
Et nul ne peut, à terme, nier son origine,
Quand même mille raisons lui serviraient de rempart.
Est-il une seule âme qui ne se sente orpheline ?

Dans ce monde, nous ne sommes jamais que des passants ;
Beaucoup l’oublient ou le conjurent en amassant
Mille biens dont ils n’ont souvent que peu la jouissance

Car projetés en permanence dans le désir
De nouvelles possessions et de nouveaux plaisirs
Et se voulant donner pour cela pleine licence.

Marc

 

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Instase

extase mystiquePeinture de Ram-Das

 

Les jours d’alors sont les instants de maintenant ;
Et même s’il n’est nulle trace qu’enfin le temps n’efface,
Chaque pas est gravé dans le cœur du cheminant
Qui d’aucun éphémère jamais ne s’embarrasse.

L’Amie, cette ivresse dont s’emplit la coupe du cœur
Est encore un prétexte à la montée des âmes,
Lors que les mots qui scandent des effusions l’ardeur
Deviennent mantras que les souffles unis déclament.

Marc