Peinture de Daniel Gerhartz
Émergeant des Eaux Profondes, en sa puissance englobante
Perle vierge et tremblante, tint ce discours enflammé:
L’Amour n’a que faire de la Raison, avec L’Amour, Tout est Entier
Celui qui aime, ne connait ni le jour, ne connait ni la nuit
Mille fois meurt, mille fois renaît en ses écorchures
Les lambeaux de sa chair, les ramasse et s’enfuit
En ce désert si nu, il brave la poussière, il est sa propre brûlure
Pour sa Belle, devient un vagabond, sans dignité aucune
Les rires le poursuivent, tous se moquent de lui
En la nuit de son âme, il est le constant rival des étoiles
A-t-il sa raison, ce fou qui hurle et pleure sans honte
Les yeux aveugles au monde, son corps est amaigri
Partout, il cherche sa Belle, partout elle est en lui
Se tient devant sa porte, submergé par les râles et les soupirs
Il vient échouer sur les récifs de l’Absence, et vit de ses suppliques
Pour un seul Regard de Son Aimée, explore le fond des mers
Explore le fond des Cieux, déterre les trésors, découvre tous les mystères
Son Cœur est irradié des charmes de l’Amour et ne sait plus penser
Sa folie est entière, son corps est un souffle rauque, un cri sans répit
L’océan est vide devant ses larmes chaudes, les tempêtes de son âme
Si sa Belle vient à se montrer, il ne la quitte plus et soupire, jour et nuit
Allongé à ses pieds, devient son lit, sa parure
Son cœur bat si fort, l’ouragan s’épouvante
Sait-il se contenir, ce fou qui n’a plus sa raison?
S’il marche, il semble courir tel un forcené
Plutôt sa marche devient l’Empire qu’il a oublié
Les nuits deviennent le fleuve où il veut séjourner
Ses lèvres sont asséchées d’avoir tant quémandé
Brandit une perle d’Amour incendié, lumières récoltées
Le fou ne connait ni repos, est fou tout entier
Embrasse mille Roses, ensanglanté par les épines
Ces douleurs sont suaves, lui qui tient ainsi sa Bien-Aimée
Partout son regard se pose et partout s’enivre de La Roseraie
Son Oraison est ses entrailles qui brûlent de désir
En son sein, naissent des soupirs qui n’ont plus de fin
C’est ainsi qu’est L’Amour, près à donner mille cœurs
Et mille encore, sans connaitre la mort, lorsqu’elle vient le traverser.
Naïla
[…] Source : L’Amour […]
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Paul ELUARD
Le Fou parle
C’est ma mère, monsieur, avec ma fiancée.
Elles passent là-bas, l’une à l’autre pressée.
La jeune m’a giflé, la vieille m’a fessé.
Je vous jure pourtant que je les aimais bien;
Mais, constamment, j’avais le besoin bénin
D’exiger trop d’amour : ses larmes et son sein.
Je vous jure, monsieur, qu’elles m’ont bien aimé.
Ca n’est certes pas leur faute à toutes les deux
Si sans cesse je voulais être plus heureux.
C’est ma mère, monsieur, avec ma fiancée.
Pour moi, elles ne sont qu’un même être et leurs charmes
Sont égaux ayant fait verser les mêmes larmes :
Ma mère a pleuré sur moi, qui sanglotais
Pour l’autre, refusant d’être à moi tout à fait ;
Je ne sais pas lequel de nous trois fut blessé…
C’est ma mère, monsieur, avec ma fiancée.
Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin
Ciel dont j’ai dépassé la nuit
Plaines toutes petites dans mes mains ouvertes
Dans leur double horizon inerte indifférent
Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin
Je te cherche par-delà l’attente
Par-delà moi-même
Et je ne sais plus tant je t’aime
Lequel de nous deux est absent.
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